Chroniques vietnamiennes
Je n’avais rien écrit depuis des mois.
J’étais absent.
Mais pas loin.
Dans ma tête.
Y aura fallu que j’aille ailleurs.
Beaucoup plus loin.
Pour réapprendre à aligner les mots.
Merci Vietnam de m’avoir redonné le goût de raconter.
Merci aussi pour tes sourires.
Merci pour ta bouffe.
Cảm ơn.
Voici en vrac, les clins d’oeil envoyés sur Facebook pendant mon séjour.
Les lieux n’ont peu ou pas de rapport avec le texte, sinon d’indiquer où ceux-ci ont été écrits.
Hanoi.
Il y a longtemps que j’ai réalisé que l’insomnie n’a rien à voir avec le sommeil. En plein décalage de 12 heures, j’avais les yeux ouverts à 4h30.
Il y a juste trop de trucs dans cette petite tête-là.
J’en ai profité pour enfiler mes saucony et un mérinos pour aller voir comment se réveillait Hanoi.
J’ai couru mes premiers kilomètres parmi les balayeurs et les petits kiosques de bouffe de rue qui se préparaient à recevoir les clients. Direction Ho Hoam Kiem. Ce lac / parc à la limite de la vieille ville. Autour des petits vieux et des plus jeunes qui s’affairent à la danse aérobique, à la course, au badminton et au yoga.
Les endorphines, c’est une belle dope. J’ai halluciné en voyant mon père, à travers cette brochette de petits vieux synchronisés sur leurs mouvements. Je me suis dit qu’un danseur en ligne pouvait très bien se réincarner en vietnamien et faire du thaï chi. En plus y avait la même grandeur qu’eux. Je n’ai pas pris de chance et je les ai tous salués quand je les croisais. Au cas.
Courir dans une ville étrangère, c’est le bonheur total. Tu respires les odeurs de la ville à pleins poumons. L’odorat en voyage, c’est plus tripant que la vue. Et plus vrai. Tu peux camoufler que tu es laid avec tes lunettes, mais un parfum cheap ça ne ment pas.
Et j’ai couru. Couru. En faisant des thumbs up, en répondant à des high five. Pas de barrière de langue dans la transpiration.
La vie comme la course, ce sont des kilomètres parfois faciles et plus difficiles. Des détours et des chutes. Quelques blessures. Mais c’est avant tout une aventure non linéaire.
Assis sur un banc, en mangeant une banane achetée à une marchande, devant la beauté du soleil qui se levait, sur la musique et les bras tendus au ciel des sportifs, j’ai versé une larme.
Y’a pas que le malheur qui faut pleurer.
Hanoi (2).
90 millions de Vietnamiens. Divisé par deux roues.
45 millions de scooters.
Sérieusement.
C’est le nombre de scooters sur les routes du Vietnam selon la gentille Tam qui nous guide en route pour Along Bay.
Un scooter c’est un véhicule muni de deux trucs à la fois indispensables et détestables: un silencieux dégageant un mazout qui brûle la gorge et un klaxon dégageant un bruit strident qui brûle l’oreille.
À Hanoi, ils ressemblent à des spermatozoïdes en route de fécondation. Ils se dépassent, se mêlent, s’entremêlent et parfois se cognent. Chaque jour, j’ai vu un accrochage, dont un avec une chute assez brutale.
Un scooter, comme une fourmi, transporte 1000 fois son poids : j’ai vu des caisses empilées, des sacs empilés et des familles empilées sur deux roues.
Avec autant de conducteurs, il faut des casques. Beaucoup de casques. Des casques pour tous les goûts: rose pimpant, d’armée, hello kitty.
Même si le casque est obligatoire, on voit quelques têtes nues, ici et là.
Même si les rares lumières tombent au rouge, on voit quelques têtes folles les ignorer.
La valse des scooters et des voitures dans les rues d’Hanoi fait danser les piétons.
Il faut accorder son pas à tout le monde pour traverser une rue. Ne surtout pas arrêter ni hésiter. Un Tetris urbain ou chaque pas te fait prendre ta place sur la chaussée.
Et si un klaxon te détruit le tympan, c’est uniquement pour t’avertir de sa présence.
J’avais remarqué; tu viens de me rouler sur le pied.
Hanoi (3).
En voyage, je suis en mode observation.
Toujours.
J’essaie un peu de comprendre, mais rarement de juger; je me contente de regarder.
L’architecture. Les affiches sur les murs. Ce que les gens mangent. Comment.
Mais je regarde beaucoup les visages.
Beaucoup.
Je suis physionomiste.
Je regarde tous ces visages différents.
Les yeux. Les bouches. Les cheveux.
Et comme j’ai pas mal d’imagination, je fais toujours des associations bizarres dans ma tête.
Les ressemblances me fascinent.
Je vois des gens que je connais, des comédiens, des animateurs télé dans tous les pays que j’ai visités.
Je sais que c’est un peu tordu.
J’imagine que je le suis.
Hier, j’ai vu 3 de mes amis sur la rue.
Dans les traits de 3 vietnamiens.
J’ai aussi aperçu le comédien Gilles Pelletier dans les traits de cette vieille dame sympathique dans le bouiboui où j’ai acheté de l’eau. Elle a gentiment accepté de poser pour moi – c’est elle, la photo.
Ça me fait rire tout seul. De penser qu’à des milliers de kilomètres, il vit des gens aux vies totalement différentes des nôtres, mais avec les mêmes traits de visage. Aux yeux légèrement plus en amande, mais avec la même vivacité, la même tignasse indomptable et le nez pointu qui visent le ciel.
Ça me fait rire et ça me plaît de penser qu’on n’est pas si différents les uns des autres, finalement.
À quelques degrés de couleurs ou d’angles.
Qu’on recherche à peu près toute la même chose.
Un peu de bonheur. Un peu d’amour.
Et que le vie soit plus facile.
Baie d’Along.
Hi, my name is Marc. I am a French Canadian and yes, it’s my first time in Vietnam, i am here for food and fun.
Osti que j’hai ça.
J’ai l’impression d’être dans un rdv de AA dans un sous-sol d’église. À me déshabiller pendant qu’on me scrute des yeux.
Mais je suis dans un bus qui m’amène à Along Bay. J’embarque sur un navire dans 3 heures.
Une croisière organisée. De deux jours.
C’était plus simple comme ça pour aller visiter ce coin-là.
Alors faut passer par le trip de groupe.
Je déteste ça.
Pour moi, c’est l’antithèse du voyage.
Ce qui doit être liberté, feeling et nouveauté est éteint par l’horaire, le groupe et la promiscuité.
Y’ à longtemps que je sais que le voyage m’apporte ce côté anonyme qui me plait tant. Un étranger dans une ville étrangère qui déambule au gré de ses narines, ses yeux et ses pieds. Pas pris en charge par un géo (bien qu’ils soient les plus gentilles personnes du monde). Et je ne juge personne en disant ça. Chacun son trio. Certains ont besoin d’un horaire. D’autres pas.
Pas donné à tout le monde de partir à l’aventure. Certains la préfèrent organisée leur aventure. C’est leur droit.
Il y va de la vie en général.
Ça rassure la plupart des gens de calculer les années d’ancienneté. De détester les changements. De vouloir planifier leur vie à tout prix.
Je suis comme cette vendeuse itinérante à Hanoi.
Je suis de ceux qui ne savent pas ce qui les attend. Je travaille pour arriver à une fin, mais je ne sais pas laquelle.
Et c’est parfait comme ça.
Hué.
Louis Vuitton. Hugo Boss. Lacoste. North Face. Nike. Nommez-en des brands connus.
Ils sont tous disponibles dans la rue à des prix dérisoires.
On voit ça partout.
On se fait offrir des copies de marques à New York, Barcelone ou Montréal.
Surtout par des particuliers, sur le trottoir, à la sauvette.
Mais ici, la copie de marques prend des proportions incroyables. C’est du sérieux. On s’affiche. Les boutiques ont pignon sur rue. Avec logos, posters et tout le tralala. On copie non seulement les produits, mais tout autant leur mises en marché.
Quand tu as l’œil aiguisé, tu remarques facilement la supercherie. Le logo souvent trop gros sur le vêtement et la qualité du tissu laissant à désirer.
Sauf qu’au Vietnam, on a affaire à des pros. Et ça ne se joue pas seulement sur les vêtements. Je lisais qu’il existe une maffia hôtelière. Quand un hôtel ou un restaurant ont du succès sur Trip Advisor ou sur Booking, on va ouvrir un commerce du même nom. Pour s’approprier le succès. Et les clients.
Impressionnant.
Mais pas toujours réussi.
Comme cet hôtel Google, découvert par hasard, en marchant à Hué.
Hué (2).
Vedette propulsée par Anthony Bourdain, dans son émission Parts Unknown, cette gentille dame m’a servi un de mes meilleurs repas au Vietnam (à date…). Bún bò Huế que ça s’appelle. Et comme son nom l’indique, on en mange seulement à Huế. On en trouve partout sur les rues, mais il faut aller s’assoir au milieu du marché Dong Ba, sur son petit banc de plastique et recevoir son plat par elle pour la savourer à sa juste valeur. Une délicieuse soupe au bouillon de porc et bœuf, vermicelle, morceaux de viande, boudin et herbes. Arrosé de chili, c’est le paradis. Et l’enfer pour le cul. Une bière chaude qu’on sert dans un verre où on ajoute de la glace, quelques brochettes à la citronnelle et tu dis: je suis vraiment rendu au bout du monde pour manger ça. Ouais. Et chaque bouchée te donne raison de l’avoir fait.
Hoi An.
Il devait mesurer deux fois ma grandeur. Un grand Australien de Melbourne aux allures de nageur olympique. Il s’est assis à côté de moi, sur un petit banc de plastique qui sert de set de cuisine dans les restos pas de restos que sont le marchandes de nourriture de rue. On a échangé quelques trucs usuels de backpackers : t’arrives de où, tu vas où, tu viens d’où.
En voyant, la dame enfiler un piment chili entier dans une galette de riz avec une brochette de porc à la citronnelle et me la tendre, il me dit : wow, you like spicy food, men…
Ouais, pas à peu près.
En pointant du doigt son épaule tatouée IronMan, je lui demande s’il savait que manger épicé, tout comme le sport, générait une bonne dose d’endorphine. Que les piments forts, c’est comme de la dope pour le palais.
T’en veux toujours plus, et tu veux toujours aller plus loin.
Ha? Cool, qu’il me dit. En voyant la dame, lui en mettre deux, dont un rouge dévastateur, il a pas bronché et commencé à bouffer.
T’es accro à l’endorphine ou tu ne l’es pas.
Je me suis levé en le saluant, réalisant que j’étais quasiment sa grandeur, mais qu’il était encore assis.
Quand je l’ai quitté, il avait enlevé sa casquette pour laisser sa tête respirer un peu. Son front dégarni suintait. Sa bouche était légèrement plus molle. Sa diction à peine audible.
À l’heure qui l’est, il doit certainement faire des longueurs de piscine, la bouche ouverte.
Je ne sais pas s’il a eu le même buzz qu’à l’arrivée de son 42km, mais je sais qu’il va se souvenir de moi.
Du moins, demain matin.
Can Tho.
50 millions de Vietnamiens
Et moi, et moi, et moi.
Chantait Dutronc en 1966.
Aujourd’hui, ils sont plus de 90 millions.
Le Vietnam, comme le reste de l’Asie, compte des habitants aux pouces carrés.
Une promiscuité incontournable et palpable.
Chaque route est partagée.
Chaque habitation.
Souvent le lit aussi.
Il faut voir les lits communs dans les minuscules appartements. Cette grande surface plane où s’aligne toute la famille pour dormir.
Du bébé à l’arrière-grand-père.
Pas partout, bien sûr.
Comme chez nous, il y a les mieux nantis. Avec maison, chambres séparées, salle de bain complète.
Et il y a les plus pauvres qui s’empilent les uns sur les autres.
Les comportements des autres peuples se confrontent toujours aux nôtres. C’est normal. Faut juste pas tracer une ligne sur ce qui est bon ou pas. Ça serait trop facile.
Nos réalités sont si différentes.
Ici, pour un étranger, il n’est pas rare de se sentir bousculé. Sur la rue, c’est chacun pour soi. Prends ta place. Personne ne cèdera la sienne. Tout ça, se fait sans agressivité, bien sûr. Quand une personne en coupe une autre sur la route ou dans une file, il n’est pas question d’enlever quoi que ce soit à l’autre. Ça se fait de façon naturelle. Sans malice. Je revendique cet espace. Et chacun trouve le sien.
Comme ce petit bonhomme à Hanoi.
90 millions de Vietnamiens
Et moi, et moi, et moi.
Ho Chi Minh Ville.
«Je m’appelle Khué. J’ai vingt et un ans. Devant moi la vie. Je veux y croire – à moi de l’inventer. »
C’est dans le roman de Nguyen Huy Thiep que je lis présentement.
Avec plus de 30% de sa population en bas de 18 ans (contre seulement 5% âgée de 65 ans et plus), le Vietnam est un vieux pays rempli de jeunes.
Pas besoin de lire plein de statistiques pour le réaliser. Il suffit d’ouvrir les yeux. Ils sont partout.
Attablés au resto du coin à boire un thé, en crachant des graines de tournesol sur le bitume. Ou à manger, comme sur cette photo prise à Hanoi. Ils sont sur des scooters. Ils sont au travail. Au karaoké. À l’école. On les voit partout.
Coincés entre les vieilles traditions familiales et le tourbillon d’une culture mondiale qui les influencent aussi.
Avec la valeur du nombre, on peut définitivement changer les choses.
Et ils le savent.
On l’a vu dans les pays occidentaux.
Dans un reportage de Thalassa, visionné avant mon départ, sur Ho Chi Minh, des jeunes s’exprimaient sur leurs réalités et leurs ambitions.
À vouloir avancer. À vivre.
La force de la jeunesse n’est-elle pas concentrée dans ses rêves?
Îles de Con Dao.
Quel jour on est?
Aujourd’hui.
L’heure?
Celle de manger.
Ou de dormir.
Je ne sais pas.
J’ai perdu la notion du temps.
Tout autant que mes repères.
Je suis sans balises.
J’habite un sac à dos.
Mes vêtements ont des plis.
Autant que mon visage.
Je suis un facteur humidex.
Ambulant dans la ville.
J’erre entre les scooters.
J’anticipe leurs courses.
J’ai les jambes blanches.
Une face de racoon.
Des bras d’habitant.
Je prends des bus.
Des vélos.
Des taxis.
Des avions.
Des trains.
Mes sandales.
Je prends toujours mon pied.
Je n’ai aucun sens de l’orientation.
Mais j’ai celui de l’humour.
Je me perds.
Aussi dans ma tête.
J’écris sur un iPhone.
Je fais des fautes.
Mais, je me pardonne.
Je mange trop.
Je bois trop.
Je mange des trucs mous.
Du croquant.
Des saveurs subtiles.
D’autres, agressantes.
Rarement douces.
Je ne mange jamais dans des restos.
J’avale de l’asphalte.
Je mange la rue.
Aussi des yeux.
J’ai des larmes quand c’est piquant.
Quand c’est drôle.
Quand c’est beau.
J’écoute les gens sans comprendre.
J’essaie de comprendre leurs vies.
Je suis de nulle part.
Je suis d’ailleurs.
Les villes changent de noms.
Je les prononce mal.
Je n’ai pas peur du ridicule.
Ni de l’autre.
Un peu de moi.
J’ai survolé l’eau.
Je suis sur une île.
Pas déserte, mais presque.
Sur un caillou dans l’eau.
Minuscule.
Sur un globe terrestre, on la voit.
Mais elle est trop petite pour y mettre son nom.
Même si ce n’est que 6 lettres.
Con Dao.
Jadis, une île avec prisons.
Aujourd’hui, j’y viens pour m’évader.
Tout petit la planète.
Îles de Con Dao (2).
«Souriez toujours, car le sourire est le seul langage que tout le monde comprenne.»
Tiré du film Human de Yann Arthus-Bertrand, cette phrase m’a complément séduit quand je l’ai entendu.
Et y a que ça de vrai.
À l’autre bout du monde.
Comme au coin chez vous.
Si vous voyagez et que la langue est une prison, vous avez une petit clé juste sous votre nez.
Un sourire.
Être courtois.
C’est si simple.
Prenez, ces touristes français croisés la veille du jour de l’an à Ho Chi Minh. Grossiers, tonitruants, des Elvis Gratton en vacances.
Comment peut-on s’imaginer une petite minute qu’on vous répondra comme il se doit, si vous agressez votre interlocuteur. Ces réflexes colonialistes de touristes me gênent toutes les fois. Je fuis les endroits où ils s’agglutinent. Je déteste les entendre raconter leurs âneries de comparaison entre leur culture et celle de nos hôtes.
Je préfère de loin, la candeur.
De ceux qui s’émerveillent à voir du nouveau. À goûter ces trucs pas toujours bons, mais différents. Ceux qui essaient de baragouiner des mots dans une langue qui n’est pas la leur.
Quitte à avoir l’air fou.
Souriez.
Et voyez ce que ça fait.
La réaction est immédiate.
Oui, il se peut qu’on ne vous le retourne pas.
Mais ce n’est pas grave.
Vous venez tout de même d’annoncer que vous êtes gentil.
Et ça, ça donne beaucoup de possibilités.
Comme celle de photographier ce jeune marin au port de Con Son.
Ho Chi Minh Ville (2).
«Je n’ai pas l’intention de me proclamer explorateur. Je ne veux ni conquérir les sommets vertigineux ni braver les déserts infernaux. Je ne suis pas exigeant. Touriste, ça me suffit.
Le touriste traverse la vie, curieux et détendu, avec le soleil en prime. Il prend le temps d’être futile. De s’adonner à des activités non productives, mais enrichissantes. Le monde est sa maison. Chaque ville, une victoire.»
J’aurais aimé écrire ça.
Mais c’est de Julien Blanc-Gras.
Du livre tout écorné qui est dans ma valise. Ce livre a fait 6 pays différents avant que je l’ouvre, ici, au Vietnam.
En voyage, je choisis méticuleusement les romans qui m’accompagnent. Celui-ci a fait plusieurs aller-retour sans être ouvert.
C’est comme ça.
Je ne sais pas pourquoi.
Alors il s’est ramassé tout écrasé dans mon sac, avec des pages pliés, une odeur d’humidité et des tâches sur la couverture, sans avoir eu le loisir de me divertir, enrichir ou simplement me faire oublier les heures perdues dans les aéroports.
Justement, j’écris d’une banquette bleue en cuirette, conçu par un designer sans fesses.
Je me suis payé une eau minérale à un prix démesuré.
En attente d’un vol pour Siam Reap.
Au Cambodge.
Touriste, ça me suffit.
Je vous dis.
Siem Reap, Cambodge.
Elle devait avoir autour de 8 ans.
Je ne suis pas très bon pour deviner les âges. Peut-être parce que je voudrais oublier le mien. La grandeur, ces visages souriants, cette peau plus laiteuse font que c’est encore plus difficile avec les Asiatiques.
C’était une enfant.
Comme ces douzaines qui nous prennent d’assaut autour des temples d’Angkor, à Siem Reap au Cambodge.
À nous vendre des cartes postales, des fruits ou de l’eau.
Oui, ça crève le cœur.
Oui, même s’ils font du commerce, tu es incapable de ne pas penser que c’est une sorte de mendicité.
Qu’il y a exploitation. Qu’il y a quelqu’un qui commande. Qui en tire profit. Papa? Maman? Ou quelqu’un d’encore moins proche.
On sait tout ça.
La petite m’a demandé si je voulais des sucreries.
Candy?
Non merci.
Candy?
No.
No.
C’est dur de dire non.
D’être ferme en plus.
Surtout que ce n’est que quelques dollars.
Voyant que je l’ignorais elle est revenue à la charge.
Boom Boom?
Boom Boom, mister?
J’ai eu un blocage.
Un arrêt cardiaque.
Qu’est-ce que tu dis?
Boom boom…
Ça, c’est ce que les chauffeurs de moto taxi offrent aux gars seuls qui marchent le soir.
Ladies boom boom, mister?
Des prostituées.
On les vire ces pimps à moto ou on les ignore et ils cherchent d’autres clients.
Mais toi petite?
Pas toi.
No.
J’ai eu un arrêt cardiaque.
Un frisson.
Un grand malaise.
Je vais te donner des sous.
Pour une photo, que je lui dis.
Elle a regardé l’objectif.
J’ai fait clic.
Et j’ai continué ma route.
Incapable de supporter son regard.
Incapable de m’enlever de la tête ces deux mots venant d’une fillette.
Cette photo me hante depuis que je l’ai prise.
Ces yeux noirs.
Aussi noire que la nuit.
Les enfants sont toujours les victimes.
Car ils subissent les décisions des autres. Sans pouvoir se débattre.
Ils ne décident pas de la pauvreté. Leurs parents non plus, mais leurs statuts de parents leur donne une latitude que l’enfant n’a pas.
Au bout du monde comme chez nous.
On pense immédiatement aux siens.
À ses enfants.
À cette injustice.
Ce matin au Cambodge.
Au temple Banteay Srei.
Le Temple des femmes.
Mon cœur à fait boom boom.
Pour cette petite.
Et pour tellement d’autres dans ce monde souvent si croche.
Anonyme
13 janvier 2016 at 15:36 //
Enfin de retour , une pause si agréable de vous lire…
merci
Anonyme
13 janvier 2016 at 17:20 //
C est un plaisir de te lire.
Anonyme
14 janvier 2016 at 18:23 //
C’est toujours un plaisir de te lire et de partager ta vie en voyage. Tu me captives énormément avec ta plume et aussi avec tes photos. Je n’ai pas l’âme d’une aventurière mais à chaque fois, tes chroniques me donnent envie de m’abandonner et de partir. Et cela, pour vivre une expérience enrichissante comme celle que tu vis en ce moment. Continue de m’alimenter de ta plume et surtout, bonne continuité de voyage mon beau cousin ?
modotcom
17 janvier 2016 at 0:01 //
merci d’avoir colligé; ça se partage à merveille!