Chroniques Sénégalaises – Partie 6

Quand notre bus est entré dans la ville de Kaolack, entre deux bouffées de diesel Malick m’a lancé à la blague « bienvenue dans la ville la plus propre du Sénégal !». Nous roulions bel et bien sur une route, mais le décor ressemblait beaucoup plus à un dépotoir. Kaolack est la deuxième ville en importance au Sénégal. Son évolution trop rapide lui a causé un problème de déchets devenu rapidement hors de contrôle. À force de pousser ceux-ci en dehors de la ville sans penser qu’un jour cet emplacement serait nécessaire à son développement, la ville est maintenant couronnée de montagnes de détritus. Le diesel, c’est du Chanel N.5 comparativement à l’odeur dégagée par cette dompe.
Nous sommes partis ce matin de Thiaré pour aller visiter l’École Mboutou Sow (où Malick enseigne) et profiter de l’occasion pour remettre aux étudiants en Soins infirmiers des manuels scolaires québécois apportés par les étudiants. Ne le dites pas à nos parents ou conjoint(e)s, mais certains d’entre nous ont demandé au chauffeur du bus de faire une partie du trajet sur le toit avec les poches de riz, comme les Africains… Cool, mais des images trop sautillantes et une bonne dose de sable dans les cheveux… Bref, à Kaolock, nous avons pu réaliser l’absurdité d’une société trop riche : les livres scolaires que nous amenions étaient parfaitement neufs, jamais utilisés et ne le seront jamais au Québec, car l’éditeur aurait malencontreusement fait une erreur (mineure) selon l’Ordre des Infirmiers et Infirmières du Québec. Par la suite, nous avons été reçus dans un restaurant par le directeur de l’école. Excellente brochette de zébu, ce boeuf à grand corne qui nous coupe souvent la route, et discussion intéressante autour d’une Gazelle (bière locale).

Les larmes ne sont pas toujours synonymes de tristesse
Nous avions une autre mission à Kaolack. Pas mal plus difficile. Un mois avant de partir pour le Sénégal, Boubacar Faye, l’infirmier du poste de santé, avait contacté Chantale Deschesne, du Cégep de Chicoutimi, pour l’informer qu’une petite fille de 5 ans, dont le père enseigne à Thiaré, avait un besoin pressant d’un médicament pour traiter une maladie de la peau très rare, l’ichtyose erythrodermique (j’espère avoir bien noté!). Une maladie terrible qui dessèche la peau. En un temps record, Chantale a su ramasser les 600$ CA nécéssaire pour un an de traitemement en sollicitant la générosité de sa mère, Geneviève Gignac, du Club Lions de La Baie et de Marthe Lespérance, enseignante elle aussi au Cégep. Alors que nous discutions avec la dermatologue qui la traite, nous avons appris que non seulement la petite Aüssatou était atteinte, mais qu’Amadou, son frère de 8 ans, l’était également. On a pas réfléchi longtemps, Chantale et moi, il était impensable d’en traiter uniquement un : le petit bonhomme aurait aussi sa dose. Fuck les souvenirs. 300$, c’est le prix d’une cochonnerie inutile qu’on range dans le garde-robe du sous-sol pis qu’on oublie. Nous sommes donc partis avec Malick porter la bonne nouvelle à la famille. Je savais que cette rencontre serait pénible, mais pas à ce point. Je ne sais toujours pas comment j’ai pu tenir ma caméra et filmer sans trembler. Les enfants ressemblaient à deux grands brûlés, la peau sèche pendante, les yeux sans paupières, des crânes sans cheveux, deux corps frêles souffrant sous le simple contact de leurs vêtements. Calmement, le père nous a parlé des étapes de la maladie, des efforts qu’ils ont faits, mais que son manque de ressource financière malgré son salaire d’enseignant ne lui permettait pas de venir en aide à ses deux cas rares. Pendant que je filmais le petit bonhomme couché sur le dos sur le plancher de la maison, je refoulais mes larmes tant bien que mal. Pour nous remercier, leur mère nous a servi un verre de Fanta aux allures de Veuve Cliquot. Même la boisson orange passait difficilement tellement on avait le motton. Dans le taxi qui nous a ramenés au marché, où les étudiants nous attendaient, y avait des images qui se projetaient dans ma tête. Mes celles qui revenaient sans cesse me hanter, c’étaient ces grands yeux pleins de larmes, mais sans tristesse qui fixaient la caméra…

EN VRAC

Écrit en large lettre sur le mur de la bibliothèque de l’école Mboutou Sow ce magnifique proverbe sénégalais : Quand un vieux meurt, c’est une bibliothèque qui brûle… Tu l’aimeras celui-là, Black!

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Les Sénégalais sont trop gentils et veulent tellement t’aider qu’ils sont incapables de te dire non; résultat : quand tu leur demandes de t’indiquer une librairie dans le coin, ils te donnent mille mauvaises directions au lieu de te dire qu’ils ne savent pas…

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Décidément, mon égo de danseur en prend un coup. Après m’être couvert de ridicule devant le village à notre arrivée, voilà qu’en me promenant jeudi, je croise des musiciens ambulants. Je les filme et voilà que deux dames d’un certain âge qui passaient par là, viennent danser avec la troupe. Croyant que je leur ferais plaisir en me joignant à eux, ils se sont plutôt marrés. Tellement que les musiciens ne jouaient plus tellement ils se roulaient au sol…

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Mercredi, jour de marché à Thiaré – belles images en perspectives… Jeudi, si tout se passe comme prévu, j’ai au programme un voyage incongru : un aller-retour Thiaré/Dakar, de nuit en transport en commun – avec les habitants, les poules et les chèvres… Je vous rappelle que l’on a fait le même parcours en bus privé en 5h. Je vous en reparle…

11 commentaires

  • La question qui me vient le plus rapidement en tête est à savoir si quelqu’un a des images pendant que tu danses question de se marrer nous aussi… Avis aux lecteurs, je m’excuse de m’attarder au vrac mais j’avais déjà lu la première partie à plusieurs reprises et j’ai déjà fait un commentaire via courrier personnel!

  • 12 janvier 2011 at 6:45 //

    On a supporté ta moustache… alors n’hésite pas si t’as besoin d’une collecte de fonds rapido, on ne sait jamais!

  • Bravo Marc pour ces chroniques touchantes empreintes de sensibilité, d’humanité et d’humour à la fois. J’attends toujours la prochaine avec impatience. Merci pour le partage.

  • 12 janvier 2011 at 9:02 //

    Salut Marc… Ta chronique est terriblement bouleversante!
    Merci de nous faire sourire avec le petit vrac de danse africaine à la fin…!!
    Par contre, l’image de l’enfant reste bien gravée dans mon imaginaire… Ça fait réfléchir. Maudit que mes problèmes me semblent infiniment petits!

  • 12 janvier 2011 at 9:05 //

    Bonjour Marc, je suis allée au Sénégal pendant 3 mois il y a quelques années, j’ai des amis à Kaolack et te lire m,a rappelé de merveilleux souvenirs de mon passage là-bas mais aussi comment c’est frappant de voir ces déchets partout.
    Je garde contact encore avec les gens là-bas et m’ennui beaucoup du mil que j’ai mangé à plusieurs reprises et que j,ai adoré, j’espère y retrouner un jour….

  • Tu sais Marc on vit dans un monde à l’envers. Ce qui nous semble important est souvent tout à fait sans importance.
    Merci X

  • Quand je lie ton article, je me demande comment ils font les ox… pour trouver des beaux enfants au nez qui colle avec des mouches dans faces.
    Tu vas les avoir les réponses quand les québécois vont ce plaindre le ventre plein, les hôpitaux non le CHSLD, non les CSSSS, non les …. je ne m,en souvient plus et médicaments payés. On en gaspille tu de l’argent pour des niaiseries. Des noms, des bureaux du papier et encore et encore, chut les malades dérangent.

  • 13 janvier 2011 at 0:34 //

    En effet Marc très touchant ton texte. Cela replace pour un temps les valeurs où elle devraient être.Mais au fond ceci me pousse à me demander si en fait on est soit des écoeurants ou soit des inconscients. De toute façon la réponse n’est pas flatteuse quelle qu’elle soit…

  • 13 janvier 2011 at 14:44 //

    Bonjour Marc,
    merci de nous faire vivre votre expérience à travers tes textes!

    Vous êtes tous très courageux de participer à cette aventure.

    Transmet mes salutations au beau Stéphane..:p

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