Je voudrais pas crever.
Jay est un petit gars que j’aime bien. Je dis petit, même s’il est pas mal trop baraqué pour le traiter ainsi. C’est un beau grand gars élevé à la campagne. Le genre avec les valeurs à la bonne place. Près de la terre. Terre-à-terre. Intelligent. Il nous est arrivé souvent de nous croiser professionnellement, mais c’est quand il débarque à l’improviste à mon bureau que les discussions sont les plus intéressantes. On parle de tout. De rien. De nos générations, bien différentes, mais parfois si semblables. Tiens, aujourd’hui, on a parlé de Vian. Boris. Il vient tout juste de découvrir ses chansons. Et il les joue au ukulele. Il n’est jamais trop tard pour réaliser qu’on a tellement de choses à voir, lire ou entendre. C’est marrant, car je venais tout juste de terminer, ce weekend, Piscine Molitor, une bande dessinée de Cailleux et Bourhis, une biographie de Vian en accéléré que j’avais acheté y a belle lurette, mais que je n’avais pas eu le temps de découvrir. J’avoue connaître Boris Vian depuis mes belles années cégépiennes, mais que je ne m’étais jamais attardé à lire quoi que ce soit sur sa vie. Trop de livres, pas assez de temps, j’imagine. Boris Vian était cardiaque ; il considérait que nager en apnée était bon pour son coeur, d’où la piscine Molitor, près de Bois de Boulogne qu’il fréquentait). Pourtant, ce matin du 23 juin 1959, au bord du bassin, il lui reste seulement quelques heures à vivre avant de succomber à une crise cardiaque pendant la projection du film adapté de son roman « J’irai cracher sur vos tombes ». Cette bande dessinée magnifique raconte les passions, les amours, les joies de ce créateur unique, hors normes, aux multiples talents. Que l’on parle de Vian, le jazzman; Vian, le poète, Vian le chanteur ou Vian, l’écrivain; c’est toujours avec une imagination féconde et tordue qu’il réussissait à aborder les thèmes les plus simples de façon si surréaliste. À lire. Et tant qu’à épuiser le sujet Vian, courrez lire et savourez les illustrations de « Je voudrais pas crever »; une réédition du fameux recueil de ses poèmes, mais cette fois illustrée par Clerc, Loustal, Brochard, etc. Édité par la maison Les Allusifs — le design de tous leurs bouquins est remarquable —, ce livre est pour souligner le cinquantenaire de la mort de l’auteur. Vous n’en avez toujours pas assez? Vous voulez du Vian à d’autres sauces? Comme la mode en chanson est aux reprises; des artistes français ont sorti une réédition de ses plus grands classiques : Didier Wampas, Olivia Ruiz, Édouard Baer, etc. reprennent 39 chansons pour souligner les 39 ans de sa vie. Oui, oui, il est mort à 39 ans. Impressionnant tout l’héritage culturel qu’on peut laissez en si peu de temps. Malgré les épreuves de la vie. Ces épreuves qui marquent le temps et nos vies tout autant. Comme réfléchissait aujourd’hui sur son blogue, l’humoriste Martin Petit invitant ses lecteurs à se raconter dans les commentaires; à dévoiler où il en était dans leurs vies lors des événements de la Polytechnique en 1989, ceux de New York en 2001 et aujourd’hui. Comme quoi, humoriste, chanteur, écrivain, graphiste et infirmière ont tous des histoires qui tournent autour de l’Histoire. Je m’y suis commis. Si le coeur vous en dit, faites-le aussi. Plongez.
> Pisicine Moltior – de Christian Cailleaux et Hervé Bourhis – Éditions Dupuis
> Je voudrais pas crever – Boris Vian – Éditions les Allusifs
> À Boris Vian « On n’est pas là pour se faire engueuler – Collectif
Clef-re
19 décembre 2009 at 14:30 //
Je viens d’passer un sacré temps en apnée dans les com’s de Martin Petit, et à l’instant de valider le mien, son site ne répond plus… Ouaneguène ? No way ! Bon… Je le dépose ici…
1989 : j’étais au Lycée de Nogent-sur-Marne, on préparait une pièce allégorique pour le bicentenaire de la Révolution Française : on pouffait de rire dans nos toges, sous nos bonnets phrygiens, sur la scène du vieil ampithéâtre en bois crissant… Pétris de punkitude, serrés à 6 dans la cour sous un parapluie, on r’faisait l’monde en f’saisant leur peau aux arachides…
11.09.2001 : mon fils cadet endormi sur mon sein, après l’avoir allaité, je le berce doucement en savourant l’éternité qui passe, devant la cheminée, quand mon programme s’interrompt : en direct live, je suis propulsée de l’autre côté de l’Atlantique, et suis l’effondrement d’une première, puis d’une seconde tour… Au début, je crois à une mauvaise plaisanterie, un bug hertzien, mais vite, une incompréhension mêlée d’impuissance, puis de gêne télévisuelle, m’envahit : je serre ce bout d’homme impassible contre moi, et me demande le sens de tout ça… Je sors chercher le grand à l’école une heure plus tard, quand les tours sont par terre. J’arrive sur la place verte de mon petit village, sous un ciel gris mais doux : il n’y a personne, un vent frais fouette le cou, j’attends, regardant les nuages, remuant les cailloux, et apprend au premier parent qui arrive l’étrange événement. Pour dire, pour dire, et réaliser, peut-être, que je n’avais pas rêvé… Qu’au même instant, ailleurs seulement, j’avais été témoin qu’un chaos poussiéreux faisait vaciller bien plus que du béton…
Aujourd’hui : passée une trentaine de balais, je n’compte plus les zannées… Après quelques péripéties vitales, j’aspire au calme, malgré cette énergie tonitruante qui continue de s’exprimer, par tous les pores, tous les projets, et me pousse à relever des défis insensés… pour le plaisir de me dépasser ! Je suis bien plus fragile qu’il n’y paraît, et commence à l’accepter. Affronter seule vents et marées, c’était ça ou crever : je n’voulais pas crever. Aujourd’hui ? Je trouve urgent de ne plus me précipiter…
Fermez les guillemets.