L’art de se priver de clients.
Lundi matin, dur retour au bureau (vous ai-je déjà dit comment je détestais les lundis?). Alors que la musique du dernier Camera Obscura envahit la pièce, un drôle de bruit détourne mon attention : un bruit d’un autre temps, presque d’une autre ère… voici que mon imprimante s’est transformée en fax et se met en mode réception. Je reçois tellement peu de télécopies que c’est comme une fête dans mon bureau quand c’est le cas. Je m’assois tranquillement devant la sortie du papier, comme un chien attendant un kiki, et j’espère l’arrivée du document, les yeux grands ouverts, la langue pendante, les oreilles aux aguets. C’est comme un cadeau du ciel. Une brise sous un soleil accablant. Son premier salaire. Une missive de l’être cher. Le retour à l’enfance à Noël. Un retour de la banque en votre faveur – passez go! / réclamez 200 $. Oubliez ça, je déconne. Quand un fax entre dans mon bureau, je me pose une seule et unique question : qui-peut-bien-m’envoyer-quoi qui ne peut s’envoyer par internet? Avouez. Lundi matin, dur dur retour au bureau (vraiment), le télécopieur me vomit… un menu de restaurant (!). Un menu de restaurant. Quelle bonne idée! Je me tue au boulot à trouver des idées pour mes clients, et voilà que sous mes yeux en format lettre, imprimée noir sur blanc, se trouve l’idée publicitaire la plus géniale, la plus intelligente, la plus sympathique, que le monde moderne ait connu depuis la sollicitation téléphonique. Ce super restaurateur / traiteur a décidé de m’offrir son super menu de super façon, en me télécopiant les super prix de ses super repas sur mon super fax. MON super fax. À MOI. Ce maître du ragoût utilise MA ligne téléphonique, imprime MON papier (recyclé, mais quand même!), utilise MES cartouches d’encre (si abordables!!!) pour ME solliciter. En me relisant, voyez-vous un autre pronom que JE-ME-MOI? Non. Mon cher monsieur cuistot, vous venez de me solliciter à mes frais. Votre stupide télécopie ne me donne pas la faim, elle cause plutôt l’effet contraire au niveau de ma digestion. Votre menu? J’aimerais vous dire que je ne l’ai même pas regardé, mais ça serait mentir. Je n’ai pas regardé les articles sur votre menu, mais votre nom, ça oui. En me disant, qui peut bien m’envoyer quelque chose que je n’ai jamais demandé? Qui peut bien avoir le culot d’utiliser mon télécopieur sans me demander si ça pouvait m’être utile ou m’intéresser. Qui peut bien penser, qu’aujourd’hui, en 2009, avec les dernières technologies, alors que la pub telle qu’on l’a connu vit des moments difficiles, alors que les tendances marketing des dernières années nous parlent énormément de Permission Marketing, qui peut décider à ma place et me foutre de force son menu à la con dans les dents? Saisissez-vous bien la nuance de mes propos? Je vis de la publicité. C’est mon métier. J’adore ce que je fais. Et la pub, j’aime ça. Je regarde les envois postaux qu’on m’envoie et souvent les lis. Je suis abonné à des dizaines de newsletters, communiqués, horaires et menus de restaurant que je reçois quotidiennement par courriel. Je ne m’offusque pas d’être sollicité. Mais de la façon de. Au contraire, je tire un certain plaisir à recevoir ces mails. Quand on m’a demandé par courriel si je voulais recevoir tel menu de restaurant ou tel autre, j’ai dit oui à quelques-uns et non aux autres. Par goût. Par choix. Personnel. Et je peux toujours me désabonner. Quand je veux. Et me réabonner, si je m’ennuie. Et me re-désabonner. Et me ré.. Bon, vous avez compris, je pense. Ce courriel me coûte très peu, et en plus comme j’ai décidé de le recevoir, j’en assume les frais. Alors quand le toqué de restaurateur s’offusque du fait que je lui renvoie son fax avec la mention « ne recommencez plus », je trouve qu’il s’en tire très bien, car si j’avais la moindre malice je pourrais lui faxer l’intégral du Larousse Gastronomique, édition numérique, 1215 pages, de quoi prendre possession de sa ligne téléphonique une couple de journées… et épargner à d’autres d’être persécutés. Si je vous en veux vraiment, maître-traiteur? Mais non, comme disait Brassens, dans « Stances à un cambrioleur »: Monte-en-l’air mon ami, que mon bien te profite / Que Mercure te préserve de la prison / Et pas trop de remords, d’ailleurs nous sommes quittes / Après tout ne te dois-je pas une chanson?…
Clef-re
29 avril 2009 at 10:32 //
Après tout, ne lui devez-vous pas un (fort croustillant !) article ?… 😉
Mireille
29 avril 2009 at 13:57 //
Tout à fait d’accord avec toi !!!
Il aurait peut-être besoin d’un conseiller comme toi pour sa publicité 😉
Mireille
marilou
29 avril 2009 at 21:41 //
je connaissais les pourriels, le splog, le pullopostage, mais pas les téléco-pilleurs (voleurs de papier, d’encre d’électricité) ou télé-copieux dans ton cas dépendamment du menu `)
marc
30 avril 2009 at 0:00 //
@ Mireille
Mais je n’attends que ça… 🙂 Pour lui éviter de se remettre les pieds dans les plats…
@ Marilou
J’adore le terme téléco-pilleurs !!!!!!!!!!!!!!! Et tellement descriptif du concept !
Martin Larose
30 avril 2009 at 8:23 //
Faxe-lui les coupons-rabais de Burger King, de MacDo, de PFK et de Subway qu’on retrouve dans les Publi-Sacs de fin de semaine…
Bon «faxé» ça!
🙂