Nos masques.

On porte tous des masques.

De temps en temps. Pas toujours. Parfois.

Peut-être au travail. Quand une décision, commentaire ou situation ne fait pas ton affaire, mais que tu dois dire oui, ok, pas de trouble, acquiescer en sentant l’élastique te fendre la nuque pendant que tu souris, les lèvres tendues, telle une ligne qu’on trace à la règle, à l’ordre qu’on te donne.

Peut-être entre amis. En couple. Quand la discussion ne prend pas la direction que tu voudrais, qu’elle ouvrira un chemin que tu ne souhaites pas nécessairement emprunter, que tu ne veux pas te battre pour une stupidité, une idée qui ne viendra pas chambouler ta vie, qui n’est pas fondamentale, qui ne secoue pas tes valeurs, un truc que tu oublieras facilement demain.

Descendre le masque, sourire, sentir lentement s’abattre ses cheveux pour les voir se redresser au passage de cette pièce moulée en plastique sur lequel des traits exprimant la joie sont imprimés.

Monsieur sourire.

Tout va bien.

Tu vois.

Ce sourire sur mon visage.

Cette attitude neutre.

Sans vie.

Qui dit oui.

Je mets mon masque sur lequel le malheur peut s’abattre.

Imperméable. Invulnérable. Indétectable.

Un visage de plâtre. Ces statues qu’on admire au musée. Aux yeux sans pupilles, aux yeux sans paupières. Sans ride, sans âge. Sans vie. Ce marbre lisse, sans défaut, sur lequel tout glisse. Sans l’abîmer. David et sa main sur l’épaule.

Un visage de cire. Embaumé. Saupoudré pour imiter la peau. Maquillé pour imiter la vie. Aux joues faussement rosées. Ce visage artistiquement sculpté par un thanatologue talentueux. Cet épiderme sans irritation, sans poil, ni pustule. Parfait. Qui ne montre aucune imperfection, aucune sensibilité. Aucune vie.

– Ça va?

– Tout à fait.

– T’es certain?

– Oui. Pourquoi ? Haha…

Le masque qui descend. Sans faire de bruit. Ce mécanisme de protection naturelle. Cette mécanique huilée qui ne laisse rien paraître. Qui vient couvrir ce qu’il ne faut pas. Ce qui dérange. Cette faiblesse. Tout va à la perfection. Tout à fait. Vraiment.

L’homme de fer.

Tony Stark est un drôle de gars. Quand il devient l’homme incroyable, ça le rend si sympathique, c’est formidable. Quelle puissance il a.

Tellement.

Qu’il doit porter une armure pour se protéger.

Toujours?

Non.

Seulement quand ça crunche.

Chacun son niveau.

Le policier dans une manifestation ne descend pas toujours sa visière. Seulement quand il pense qu’il sera attaqué. Quand ça brasse. Quand il y’a aura des coups. Quand il voudra camoufler cette faiblesse. Quand il voudra surtout se protéger.

Les masques sont tombés dit l’expression.

Rarement.

Sinon, y’en aura toujours un autre qui imite encore mieux.

Ce qu’on voudrait cacher.

Ne me parlez pas de franchise. Je vois cette ligne sur votre cou. Ce visage qui dit non, mais qui pense oui. Ou le contraire. Ce que vous voulez versus ce que vous dites.

Ne me dites pas que vous communiquez toujours ce que vous pensez. Je vois cette ligne sur votre cou. Qui dit que vous êtes en désaccord, mais que vous ne voulez pas l’exprimer.

Je ne vous juge pas.

J’ai un coffre plein de ces masques.

Prêts à faire ce qui faut. Quand il faut.

Sourire. Rire. Ou pleurer.

Quand il faudrait se révolter. Pleurer. Ou rire.

Cacher ce qu’il ne faut pas montrer.

À ce moment-là.

Quand il faut.

Ou pas.

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