Melomarc™ – Mano Solo / Internationale Sha La La

Voici un nouveau billet de la catégorie Melomarc™ qui tente de répertorier les albums de musique qui ont marqué ma vie jusqu’à maintenant. Voyez ça comme un voyage à travers mes souvenirs et ma collection d’albums; où la véritable histoire de l’album vit en parallèle de la mienne. J’ai décidé de partager ces coups de coeur musicaux sur mon blogue, mais aussi de les faire découvrir plus personnellement à certaines personnes, en leur offrant l’album décrit via iTunes. Surveillez vos boîtes de courriels, vous aurez peut-être le privilège de recevoir un de ces albums… mais surtout, ouvrez vos oreilles et vos coeurs. C’est la mélodie du bonheur.

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Je voulais écrire sur la mort. Je voulais écrire sur les amis. La mort et l’amitié. Deux thèmes tellement difficiles à concilier. On ne veut pas que nos amis meurent. Comme on ne veut pas que l’amitié s’achève. Pas avec la mort, en tout cas. Ni d’aucune manière. L’amitié meurt et malheureusement, les amis aussi.

Hier, un de mes amis est décédé à 46 ans. Un vieux chum. Un chum du secondaire/cégep/université. Un ami que j’ai négligé trop longtemps. Je ne l’avais pas vu depuis des années. On devait se visiter en septembre. Peine perdue. On remet souvent l’important à plus tard. Trop souvent.

Quand on meurt, on dit que notre vie défile en accéléré; qu’en l’espace de quelques secondes le film de notre vie roule à une vitesse vertigineuse. Comme un condensé. Un concentré de moments heureux et malheureux. Une couple de secondes pour résumer des années. Aujourd’hui, en apprenant la nouvelle de ta mort, c’est ma vie avec toi qui s’est déroulée en quelques secondes. Nos années au Séminaire de Chicoutimi. Où tu m’avais transmis le goût de la photo. Où tu partageais ta grande famille avec tes trois frères, moi qui n’en avais pas. Où l’on échangeait nos premières découvertes musicales. Nos soirées à écouter Yes, Genesis et Led Zeppelin. Notre accident d’auto sur le pont Dubuc. Ton départ vers la grande ville, où je devais te rejoindre quelques années par la suite. Du Noël que tu avais passé dans ma famille à Chicoutimi parce que tu voulais revoir des vieux potes alors que tes parents t’avaient suivi à Montréal. Je me souviens du New Year’s Day de U2 au bar Le Vertige, en célébrant la nouvelle année de 84. Je me souviens du spectacle de R.E.M, cinq ans plus tard au vieux forum, pendant que mon garçon se reposait dans le ventre de sa mère. Où je te faisais la confidence de mes peurs de devenir papa si jeune. Je me souviens de tes croquettes de thon aux Corn Flakes que tu préparais dans ton appartement de Laval. Ton appartement si drabe. Appartement de célibataire. Du vin cheap de dépanneur aux allures de grand cru que l’on buvait. À s’en saouler. À rire de nos blagues. De ton rire silencieux : tu ouvrais la bouche, fermais les yeux, mais aucun son de sortait de ta bouche. Ton rire était intérieur.

C’est con. J’écris tout ça même si ça fait si longtemps que l’on ne s’est pas vu. En fait, on a passé plus de temps sans se voir que de passer du temps ensemble. Je ne connais pas le nom de tes enfants : je ne les ai vus qu’en photo.  Je connais à peine ta blonde. C’est con. Mais j’ai le cafard quand même de te savoir parti. J’ai de la peine de penser qu’on peut partir n’importe quand. Comme ça. Et je pense à moi : la mort, c’est égoïste. On vit celle des autres par rapport à soi. J’ai de la peine. Oui. Mais j’ai de la peine parce que je pense à la mort. Tu me fais penser à la mort. Et la mort c’est triste. Surtout quand tu penses comme moi que ça se termine comme ça. Par la fin, point. Qu’il y a rien après. Sinon ce qu’on laisse comme souvenirs à nos proches. À nos amis.

Je regrette de ne pas avoir provoqué une rencontre. De ne pas être débarqué chez toi, sans t’avertir. Comme le font les amis.

Pourquoi parler de cet album de Mano Solo et de toi. Parce que la mort est au centre de l’oeuvre musical laissée par cet artiste. Parce que tu es mort d’un cancer, Mano Solo, du sida. Deux morts à retardement. Des morts qu’on attend. Qu’on prépare. Comme si l’on pouvait se préparer à mourir. Cet album de Mano Solo me rentre dedans comme une aiguille dans la peau. Me fout le cafard. Cette voix décharnée, rauque et tellement souffrante que celle de ce chanteur me chavire à chaque fois. Ce chanteur controversé qui a décidé de parler ouvertement de sa maladie et a pondu quelques albums, mais c’est ce « live » qui rend le mieux cette douleur intense que ressent un condamné à mort. J’ai déjà parlé ici que la musique française venait me chercher dans mes moments les plus sombres, celui de Mano Solo a une place de choix dans ma discothèque « nostalgie ». Ses textes durs, sa poésie noire en font un album d’une tristesse certes, mais d’une beauté incroyable. Triste comme la mort peut l’être. Beaux, comme les amis le sont.

En pensant à toi, Hugues, j’ai pensé offrir Mano Solo / Internationale Sha La La à Réjean, un pote que tu n’a pas connu. Parce que je sais qu’il appréciera cet album, mais surtout parce que l’amitié s’entretien, par des petites pensées comme celle-ci. Comme j’aurais dù entretenir la nôtre. Adieu « Grand Droit’ »!

> Mano Solo / Internationale Sha La La sur iTunes


8 commentaires

  • 13 août 2011 at 10:11 //

    Merci de me faire partager des moments de la vie de Hugues. Les souvenirs sont maitenant ce qui le garde vivant dans notre mémoire. Manon Bonnier.

  • 13 août 2011 at 13:17 //

    Bonjour Marc,

    Je suis la mère de Hugues. Je me souviens tres bien de toi. Je te remercie de tous ces souvenirs que tu nous ramènes de Hugues. Il va beaucoup nous manquer.
    Merci! xxx

  • 14 août 2011 at 13:50 //

    Bonjour Marc,

    J’ai été touché par ton texte. Comme je suis langagier de profession (traducteur agréé), je suis à même d’apprécier tes textes non seulement pour leur contenu, mais aussi pour la qualité de leur structure. Je n’ai que des félicitations à te faire à cet égard. Tu es un grand communicateur!

    J’aimerais que tu fasses parvenir ce mot à Lucille et Denis, les parents d’Hugues.

    Lucille et Denis, je n’ai jamais eu l’honneur et le privilège de vous connaître personnellement, mais je sais très bien qui vous êtes et quelles sont vos valeurs. Quand on a comme moi, et comme tous mes confrères de la Promotion 1982, eu la chance de côtoyer Hugues, on ne peut que reconnaître l’arbre à ses fruits.

    Pour moi, le fils que vous avez tant aimé et que vous pleurez aujourd’hui a toujours été du genre « Monsieur sourire » ou « Monsieur Bonheur ». Je ne me souviens pas d’avoir vu Hugues autrement que dans la peau d’un gars équilibré, de bonne humeur, toujours prêt à en rajouter sur une bonne blague faite par un confrère.

    Un jour, je participais à un tournoi de billard au Séminaire en secondaire 5. Comme j’étais petit (je ne mesure que 5 pi 5 po), je devais souvent tricher en m’étendant sur la table pour jouer les coups les plus longs. Dans ces moments-là, mes pieds ne touchaient plus le sol. À un moment donné, au plus fort du tournoi, alors que ma tension était à son paroxysme (il faut avouer que le billard était comme une religion pour plusieurs d’entre nous… et une grande source d’orgueil), j’ai failli mettre les deux pieds dans le visage d’Hugues. Votre garçon, ce comique devant l’Éternel, s’était glissé sous la table afin de prendre des photos de moi dans des angles saugrenues. Vous dire qu’il m’a fait sursauter serait un euphémisme. Et au Diable la concentration quand le Cirque est en ville! Voir la face de votre gars entre mes jambes quand je me suis relevé m’a fait perdre toute contenance. Je crois que j’aurais été en beau «joual vert» contre quiconque m’aurait joué ce tour pendable… mais comment exprimer de la colère envers un gars comme Hugues… qui comme toujours nous a gratifié de son grand sourire de bienheureux. J’étais ébahi, vois ahuri d’une telle audace. Pendant deux minutes, les gars autour de la table et moi-même avons été pliés en deux, incapable de retenir les larmes, tellement ce clown nous a fait rire.

    Même si mon tempérament était beaucoup plus agressif que celui de votre fils et que j’avais certaines prédispositions pour me faire des ennemis ou pour perdre les quelques amis qui acceptaient de me souffrir, je suis incapable de me souvenir d’un moment où j’ai eu de la colère envers Hugues. Votre joyeux garçon, et ses amis Marc Gauthier, Claude Tremblay, Pierre Moisan, Éric Saucier, Jean-François Dufresne… c’était une gang de maudits bons gars…

    Je tiens à m’excuser de ne pas avoir été en mesure de vous rencontrer lors des funérailles. J’aurais vraiment été honoré de vous connaître. Ce n’est qu’hier soir que j’ai pris connaissance de la triste nouvelle.

    J’aimais beaucoup votre garçon et je garderai à jamais de lui des souvenirs aussi heureux qu’indéfectibles.

    Je tiens à vous remercier d’avoir fait d’Hugues ce qu’il était. Si l’on reconnaît l’arbre à ses fruits, vous constituez tous les deux, hors de tout doute, un arbres majestueux. Hugues a grandi dans un terreau des plus fertiles et loin de tout sentiment négatif… son grand sourire n’a jamais fini d’en témoigner.

    Mes hommages les plus respectueux.

    Amicalement

    Denis Laberge
    819-643-0501

  • @ Martin : ces trois petits points sont remplis de sentiments
    @ Steeve : Merci à toi
    @ Manon : Tu as raison de dire que les souvenirs gardent vivant. Bon courage!
    @ Lucille : Je sais ce que représente la perte d’un être cher (j’ai perdu ma soeur et mon père…) et je vous souhaite de vivre votre deuil sereinement. Amitiés x x x
    @ Denis : Ton portrait de Hugues est juste : un joyeux garçon, facile, sympa et juste. Merci de partager ce souvenir à sa famille…

  • 15 août 2011 at 20:31 //

    Je compte sur toi pour leur transmettre mon petit mot. Et si tu as une adresse de courriel ou une adresse de profil FB à me communiquer en ce qui les concerne, n’hésite pas.

    Denis

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