Le temps.

Je suis incapable de vivre avec le temps.

La durée.

Si j’étais plus honnête, je dirais que je suis incapable de vivre avec le temps.

L’époque.

Tenons-nous-en donc à la durée, pas à l’époque. Pour ce billet, du moins.

Les heures, les minutes, les secondes. Les jours, les semaines, les mois et les années.

Incapable de dealer avec ces morceaux de temps qui nous glissent entre les doigts.

Et depuis quelques mois, j’en ai jamais eu autant.

Les affaires vont bien. Pas de soucis.

Mais, pour la première fois en dix ans, je ne suis pas dans le jus. Les mandats s’enlignent à la queue-leu-leu. Sans se battre entre eux. J’ai du temps pour les réaliser. Ce que j’ai rarement eu.

J’ai toujours été un gars surbooké. Avec un agenda débordant. Avec des mandats empilés comme un Tetris.

– Tu peux en prendre encore Marc?

Ouais.

– On t’a pas appelé, on s’est dit que t’avais pas le temps. 

Ben non. J’en avais. Ben, un peu.

Aujourd’hui, on dirait que j’ai de la misère à dealer avec ça.

Le temps a déjà été mon allié. J’ai su l’étirer sans que mes clients réalisent que je travaillais 30 heures par jour.

Le temps a déjà été mon ennemi. J’ai connu la réalité qui te dit que 30 heures, c’est impossible.

J’ai une mauvaise relation avec le temps.

Vous chargez combien de l’heure.

Heu?

Je ne sais pas. Je charge au travail. Effectué. Pas au temps.

T’as dormi combien de temps?

4h.

Et j’ai couru 10 km. Lu 100 pages d’un roman. Travaillé ma journée. Réunion. Rencontre. Conception. Bureau. J’ai même cuisiné.

T’as dormi combien de temps?

7h.

Incapable de fonctionner. Zombie. De la brume dans les idées. Facebook. Instagram. Hockey. Et j’ai mangé de la chnoute.

Le temps est une matière insoluble.

Je n’en maîtrise pas l’espace. Encore moins la notion.

Hier. Demain.

Je ne sais pas.

Je déteste le temps sur mon corps.

Le ravage.

J’aime le temps dans ma tête.

La dimension.

Je déteste le temps de mes nuits.

Trop court. Mouvementé.

Je ne voudrais pas que le temps de mes jours finisse.

Je déteste aller au lit.

Je dis demain à un client en pensant que c’est possible.

Je sais.

Je dis demain à un client en sachant que c’est impossible.

Je sais.

Je dis bonne nuit en sachant qu’elle ne le sera pas.

Aujourd’hui, j’ai du temps.

Et je me rends compte que je ne sais pas comment l’utiliser.

Je ne sais pas quoi en faire.

Je cours au milieu de l’après-midi en me disant que je devrais être au bureau, en me sentant coupable. Alors que j’ai déjà été au bureau à 21h00 au lieu de m’occuper de mes enfants, sans me sentir coupable.

Le temps est une matière incompressible. Le temps est une matière incompréhensible.

Le blanc plafond me le rappelle dans ces nuits d’insomnie.

Ce blanc visage dans le miroir me le rappelle tout le temps.

Je voudrais être ce livre auquel on s’attache sans penser au temps.

Je voudrais être cette série dont on souhaite une saison de plus.

Je voudrais être de mon temps.

Je voudrais marquer le temps.

L’arrêter. L’analyser. Le comprendre.

Le vivre.

Du moins.

2 commentaires

Laisser un commentaire