Chroniques sénégalaises 01- le retour


Voilà. Ma valise est fermée. Pleine à craquer. J’ai dû la peser, défaire, peser, refaire, peser, prioriser, repeser pour arriver au nombre de kilos permis. Faut dire qu’avec une tente, un sac de couchage et tous ces trucs aussi banals, mais plus qu’essentiels, comme du papier-cul, il te reste peu de place pour tes affaires personnelles. Que l’essentiel. Depuis plusieurs jours déjà, sur la page privée de Facebook réservée au stage, les étudiants se lamentent sur le dépassement de poids ou leur manque d’espace de leurs valises. Difficile de laisser derrière soi ce confort nord-americain. Difficile d’abandonner nos habitudes de riches. Ce bien-être acquis sans trop d’effort. Disons que c’est notre toute première épreuve. Si on peut appeler ça ainsi. Misère des riches.

Le danger de comparer
Quand je voyage je n’aime pas retourner aux mêmes endroits. Si je le fais, je tente par tous les moyens de ne pas visiter les mêmes lieux, choisir les mêmes restaurants. Je déteste la routine. Au risque de me tromper. Pourquoi? Premièrement, j’aime beaucoup l’imprévu, j’aime voir ce que le destin me réserve et comme il est rarement possible de recréer une première expérience, vaut mieux garder ce souvenir que de tenter en vain de recréer ces hasards de la vie. Comme manger à ce restaurant découvert par dépit parce qu’on s’est fait prendre par la pluie. Ce même restaurant auquel on aurait jamais songé dans une autre situation. Y retourner, briserait ce charme créé pour l’occasion. Deuxièmement, y a tellement de trucs à voir, faire, manger, lire que je ne comprends pas l’idée de refaire ce qui a déjà été fait. La jouissance de la découverte l’emportera toujours sur le confort du déjà-vu. Et finalement, n’est-ce pas l’essentiel-même du voyage que de se laisser aller et de ne surtout pas se blaser?

Mais voilà que je retourne au Sénégal. Dans ce même petit village qu’est Thiaré. Dans ce même dispensaire de santé, un an plus tard, presque jour pour jour. Avec des étudiants et des bénévoles. Le danger de refaire les mêmes gestes me guette et ça me fait peur. Vigilance.

Lego vs. L’égo
De 18 intervenants, l’an passé, notre groupe est passé à 31 cette année. Avec tout ce que ça comporte comme logistique. Comme les infrastructures d’accueil demeurent les mêmes, ce sont les personnes qui devront s’adapter aux lieux. Mais tout ça, c’est physique et mathématique et par le fait même facile à régler. Facile à matérialiser. Assoir et servir à bouffer à plus de personnes, comme pour les faire dormir à quelque part, ça ne représente pas un grand défi. Un jeu d’enfant. Comme des blocs Lego.

Ça sera différent pour notre bloc personnel, l’égo. Chacun des participants débarqueront avec des idées, des aspirations et surtout un bagage de vie très différents. Les étudiants en soins infirmiers, dont quelques-uns en seront à leur baptême de l’air, représentent tout de même un bloc homogène. Ils sont avant tout, la raison même pour laquelle ce stage est organisé. Habitués de vivre en gang, la notion de promiscuité n’est pas un truc qui les dérangera, au contraire… Il y va de même pour les enseignantes; oui, ce sera dans un cadre différent, mais leur travail de soutien et d’encadrement demeurera le même. Pour les bénévoles, dont je fais partie, c’est autre paire de manches. Ils devront s’adapter à un groupe de jeunes, vivre différemment et surtout s’adapter à vivre en groupe, avec des gens qu’ils connaissent à peine. Il ne faut pas perdre de vue, que cette expérience de vie qu’ils s’apprêtent de réaliser est un stage humanitaire et non un voyage. Nuance subtile, mais majeure. Tout ce que nous accomplirons, là-bas sera toujours dicté en fonction de notre mission première, celle d’aider. Nous ne serons des touristes que par notre couleur de peau et nos grands yeux, mais surtout pas par nos idées préconçues. Nos découvertes se feront dans un cadre humanitaire, ce qui devrait se matérialiser par de l’ouverture sur les autres, et surtout oublier notre petite personne pour l’espace de trois semaines. À des années-lumières d’Occupation Double…

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