Occupons-nous des gens au lieu d’occuper des places.

J’avais commencé un paquet de billets sur le mouvement Occupons kekpart (mettez l’endroit qui vous convient), mais rien n’a abouti par un texte précis. Pourquoi? Simplement parce que j’avais l’impression en donnant mon opinion que je prendrais position dans un débat où je ne veux surtout pas la prendre. Avant tout, je pense que manifester est un geste démocratique. S’exprimer, surtout pacifiquement, est un droit non négociable si on veut se proclamer une société égalitaire. Sur ce point, il m’est impossible de ne pas respecter ce droit si fondamental de vouloir discuter de changement de société. Difficile d’être contre la vertu. Surtout quand la cause est noble. Et ce mouvement, à la base, l’est.

Non. Ce n’est pas le rassemblement de centaines de milliers de personnes qui me dérange, mais que la résultante se résume uniquement à ça. S’assembler. Jaser. Parler. Jaser. Parler. Mais peu d’actions concrètes. Beacoup de mots. Peu de moyens. On fait des tables rondes, on fait des procès verbaux, des ordres du jour, du placotage qui se résument à de beaux discours. On jase, on parle, on discute. Bla-bla-bla. De belles paroles, de belles allocutions difficiles à critiquer puisque les conclusions sont issues pour la plupart de discussions philosophiques axées sur le partage et l’entraide. Dans une belle démocratie ouatée. Qui peut être contre le Bien? Pas moi en tout cas.

Depuis quelques semaines, sur mon trajet de course je passe régulièrement devant une colonne Maurice arborant une publicité de l’Université Laval illustrant une étudiante en mission humanitaire, arborant comme unique slogan : Agir. Et c’est tout à fait ce que je pense : si l’on veut changer le monde, il ne faut pas qu’en parler, il faut agir. Ce mot résume à lui seul ce que je reproche au mouvement Occupons. Que leurs actions demeurent sur papier ou en paroles. Sur des pancartes ou des affiches. Pas nécessairement par mauvaise volonté, j’en conviens. Simplement parce que la bouchée est trop grande à prendre. Parce que le problème est immense et difficile à saisir si facilement. Et qu’il est surtout impossible à régler en claquant des doigts. Particulièrement si on le prend dans son entier.

Si on veut changer le monde, y a beaucoup plus simple et c’est de s’impliquer personnellement en posant des actions directes. Si vous voulez changer le monde, commencez par vous intéresser par ceux près de vous, des gens que vous pouvez aider sans manifestation ni fla-fla. Consultez la liste des organismes communautaires de votre ville ou quartier : ils sont des centaines en attente de bénévoles pleins de bonne volonté, comme vous. Et ça, c’est de l’aide directe. Pas de la philosophie à 1$. Du concret. Quand tu débarques passer une journée dans une soupe populaire, que tu t’occupes de placer des vêtements dans une Saint-Vincent-de-Paul, quand tu rends visite à des personnes âgées pour les désennuyer, que tu te débrouilles pour que des jeunes sans-le-sou aient droit à un camp de vacances l’été, que tu t’occupes d’enfants handicapés pour laisser respirer des parents fatigués, tu poses des gestes concrets. Des comportements qui changent le monde petit à petit. Petit, si peu de gens le font, mais l’accumulation de ces petites bonnes actions peut devenir un grand changement. Pas mal plus que les centaines de pages griffonnées, procès verbaux dictés pendant des réunions sans fin.

Bien sûr qu’aider son prochain de la sorte est enrichissant, mais il faut se le dire, moins «glamour» que de suivre la parade mondiale du mouvement. Contrairement à un manifestant, un bénévole travaille dans l’ombre, sans chercher à être récompensé ne serait-ce que par le bonheur du geste. Contrairement à un manifestant, une personne qui donne de son temps pour aider les autres ne le fait pas pour lui, mais bien pour les autres. Il ne faut pas se le cacher, manifester c’est avant tout de s’assembler, de communier, de rencontrer des gens et c’est plus euphorisant que d’éplucher 40 livres de patates ou de répéter ton nom 40 fois à la petite autiste avec qui tu passeras la journée…

J’ai eu la chance de travailler avec beaucoup d’organismes communautaires. De toutes les sortes. Comme consultant en communication, solliciteur ou simple bénévole. De les voir donner du temps sans compter. De donner du bonheur. J’ai eu l’opportunité de connaître la réalité de leur quotidien. Du quotidien aussi des gens à qui ils font un bien énorme. Certains bénévoles qui ont eu à jongler avec des deuils d’enfants, avec des gens brisés par la maladie ou la pauvreté, mais avec toujours le même souci de vouloir améliorer la vie de ces gens. De la changer. De changer le monde. Littéralement.

Pour ces raisons, vous ne me verrez pas occuper aucune place, autre que celle où se trouvent des gens à aider. Directement. Pour agir. Avec un grand A. Comme dans Amour.

2 commentaires

  • 4 novembre 2011 at 9:07 //

    J’ai débattu les même propos dernièrement, si tout le monde s’occupait de ce qu’ils sont capable d’accomplir concrètement et maintenant, l’ensemble de tout ces petits gestes ferait une grande différence. Oui, manifester lorsqu’une lois est sur le point de passer et que l’on doit contrer le mouvement, je peux comprendre mais je préfère passer mon énergie et mon temps à prendre la peine d’agir.

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