Radoter.

Hier soir vers minuit, j’étais à deux cheveux de publier un billet lorsque j’ai décidé de montrer le texte à ma blonde. Au premier coup d’oeil, elle m’a dit que j’avais déjà utilisé sur un autre billet, l’image que j’avais placée au coin de celui-ci. Déni. Scepticisme. Consternation. Dans l’ordre. Regain : pfff, impossible elle est dans l’erreur et a simplement mal vu, voilà tout. En fouillant dans les archives graphiques de ce blogue, je suis tombé sur ladite image. Janvier 2009. Re-Consternation. J’ai poussé ma recherche encore plus, en relisant le billet qu’elle avait le mandat de décorer. Démolition. Je venais à peine d’écrire un billet de 625 mots qui traitait du même sujet, de la même manière. Identique. Presque 1000 jours plus tard, me revoilà à mon écran, fier d’un texte écrit en fin de soirée, qui finalement traînait déjà dans archives. Résurrection. Réincarnation. Ou simplement, péremption. Ça m’a foutu un de ces cafards.

N’aurais-je plus rien à écrire?

Suis-je arrivé à ma date d’expiration? Meilleur avant. Best before. Consommer avant que ça puzze. Ma source créative est tarie; et moi, taré. Tari-taré. Que le meilleur est derrière moi. Que je suis juste bon à me répéter à l’infini. Copy/Paste.

Ou suis-je simplement le reflet d’une société qui aime radoter.

Dans les médias, on passe sempiternellement les mêmes nouvelles. Un simple fait divers parvient à monopoliser pendant des heures, les chaînes d’info en continu. LCN, Lent Continuum de Nouvelles. RDI, Répéter et Doubler les Information. On interview le voisin, la voisine, le gars du dépanneur, la femme du gars du dépanneur, la fille de la femme du dépanneur. Pour entendre sensiblement la même histoire. Avec des accents différents. On radote sur le sujet jusqu’à l’indifférence totale.

Pour compenser, on se branche sur Facebook, Twitter et Google+, pour se faire dire par ses 1000 amis que la terre tremble quelque part. C’est à se demander si ce ne sont pas ces 1000 personnes partageant la nouvelle qui feraient trembler la terre par tapotage de clavier. Alors on se partage le lien du vidéo tourné par un iPhone qui montre l’immeuble qui tangue sous le cri des gens effrayés. 1,000,000 de fois. 1,000,001, avec moi. Personne n’était là, mais tout le monde y est maintenant. On en parlera des jours et des jours. À moins que chez nous, il ne pleuve abondamment. Où que l’Afrique sèche encore une fois. Pour nous permettre de radoter. Sur nous.

Si vous trouvez qu’on ne radote pas assez, rabattez-vous sur les consultations publiques. Y en pour tous les goûts. Environnement, souveraineté, etc. Elles sont aux citoyens, ce que les réunions des AA sont aux alcooliques. Un lieu pour se ressourcer. En matière de radotage, on ne fait pas mieux. Ça me rappelle le jeu de la répétition quand j’étais enfant : « Quand je pars en voyage, j’apporte ma brosse à dents…suivant!», « Quand je pars en voyage, j’apporte ma brosse à dents…et mes lunettes, suivant!», « Quand je pars en voyage, j’apporte ma brosse à dents, mes lunettes et un serpent à sonnette…  suivant!». Jusqu’à l’infini à répéter ça autour du feu. Même jeu. Sauf que dans une assemblée populaire, les gens sont en ligne derrière le micro à attendre leur tour pour ajouter leur petit grain de sel au radotage. À tenter de reformuler une affirmation pour être certain que tout le monde pense que c’est nouveau. Radoter, c’est trop souvent répéter en pensant dire mieux.

On radote entre amis, à se raconter nos bons coups. On radote en famille, à répéter les consignes. Les mêmes discours. Les mêmes rengaines.

On radote. Et on aime ça. Même les bonnes idées s’usent plus rapidement à force de les répéter. La nouveauté s’éteint. On dilue le wow.

En janvier 2009, j’ai écrit un texte intéressant sur une situation que je vivais à ce moment-là. Que cette situation se répète et résulte au même texte, me déprime amèrement. Parce qu’à la routine, je préfère la poutine…

Mais j’arrête d’en parler. Je radote.

3 commentaires

  • Peut-être n’étais-tu juste pas rendu au bout de ta réflexion? Et puis l’important c’est que tu aimes écrire et que nous aimons te lire non ? Et rendu à notre âge on a surement le droit de radoter un peu après tout la carte de l’âge d’or n’est plus si loin…lol

  • 7 septembre 2011 at 16:41 //

    La fermeture de la boucle, le fond du baril et pourtant tu ne devrais pas t’en faire, moi, je ne l’avais pas lu et en 2009. Ta version 2011 est sans doute rehaussée de plus de maturité, de sagesse avec, en prime une petite dose de cette peur que nous avons tous de «radoter»… Bonus! c’est au prorata du nombre de lecteurs. 😉

  • @ Jean
    Tu as parfaitement raison sur ce point : quand on finit un texte, on a l’impression la plupart du temps d’avoir effleuré le sujet qu’il y a des trous dans notre histoire. Je n’ose m’imaginer comment un romancier vit avec ça, quand son oeuvre est déjà publiée…

    @ Henriette
    On radote, on radote : tu as droit aux deux billets, aujourd’hui 🙂

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