Entretien avec un clown.

Je pense qu’on ne peut apprécier quelque chose qu’on ne connaît pas. Je pense aussi que l’ignorance est souvent le pire défaut qu’un individu peut avoir. C’est celui qui fausse la plupart du temps le jugement. Quand j’ai décidé d’appuyer l’organisation S.O.S Clown, j’avoue ne pas avoir pris trop de renseignements sur l’organisation. Je l’ai fait avant tout parce qu’un client m’y avait référé, comme un soldat à qui on donne un ordre. Mais en dedans de moi, au plus profond,  je pense que l’on DOIT s’impliquer. Il faut aider son prochain. Je sais que c’est un principe judéo-chrétien, que la religion est un sujet tabou ces temps-ci, mais je persiste à dire qu’il faut s’impliquer dans une société si l’on veut qu’elle avance. Qu’il faut surtout faire ce qu’il faut sans attendre que les autres le fassent. Sans y penser. En sautant. Sans filet.

En décembre dernier, Geneviève Lefebvre, une pote de Facebook, une femme allumée, une plume géniale écrivait un billet lumineux sur son blogue Chroniques Blondes; un super billet : De l’engagement et autres gravités de l’être, un article sur ces personnes qui s’impliquent dans leur environnement. Simplement parce que. Parce que c’est ainsi.

J’ai eu le privilège de voir à l’oeuvre ces clowns et je vous donne ici la chance de connaître un peu plus leur travail. Pour vous inciter surtout à donner des sous pour les soutenir dans leur mission. J’ai interviewé Lily-Fleur Depeau (alias Josée Gagnon); histoire d’en savoir un peu plus sur l’organisme. Voici donc un interview effectué par courriel, parce que la vie passe trop vite et que les rencontres physiques sont devenues des privilèges…

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Interview avec Lily-Fleur.

Marc™ : C’est la première fois que j’interviewe un clown, je devrais m’attendre à quoi comme dialogue?

Lily : Tout sauf un dialogue de sourds.

Marc™ : Pourquoi le nom de Lily-Fleur?

Lily : Parce que si l’on me pose une question, la réponse est toujours longue et exhaustive… Donc, il fallait que le nom soit long. Mon personnage, comme tous les autres, est une caricature de moi, donc c’est une petite poupée qui veut que tout soit parfait, mais qui pète des plombs… De là, Lily-Fleur Depeau.

Marc™ : Haaa, je ne connaissais pas votre nom de famille. Je comprends mieux maintenant. Il est important pour un clown d’avoir sa propre personnalité? Simplement pour vous distinguer où cela fait partie d’un processus plus complexe?

Lily : La raison pour laquelle le clown est associé à une image peu flatteuse et ridicule, presque grossière, c’est qu’elle est basée sur un stéréotype et n’a souvent aucune raison plus profonde. Nous (et ce qui caractérise les clowns qui se démarquent) ce sont ceux qui ont une recherche plus poussée et un fondement à leurs actes, leurs actions et leurs pensées, ainsi qu’à leurs images. SOS Clown, comme les Dr. Clown (nos modèles) ne pourrions avoir un personnage qui ne vient pas de notre « moi ». C’est à dire que pour que le personnage soit honnête et qu’il ait une proposition théâtrale autre que des ballounes, ben… Il doit être en accord avec ce qu’il est. C’est pour cette raison que nos personnages sont nos caricatures. Difficile à assumer au début de voir nos défauts (si nombreux) au grand jour… Puis nous apprenons à en faire des « presque qualités », en tout cas, c’est ce qui nous alimente sans faire trop d’efforts, juste en étant honnête avec la situation, avec nous même. Notre propre bêtise rend ce personnage attachant parce que tous peuvent s’identifier à cette vulnérabilité, cette sottise ou ce côté naïf.

Marc™ : De cette façon, ça doit être plus facile de jouer son propre rôle, même s’il est exagéré, mais surtout plus pertinent encore quand vous intervenez auprès de vos «patients»?… Parlant d’intervention, peux-tu me parler des clientèles différentes que vous visitez?

Lily : De jouer plus proche de nous, nous permet de nous oublier et de ne pas avoir à trop penser. Donc, ça nous permet d’être « toute là » avec la personne qu’on rencontre, d’être réellement à l’écoute, le reste c’est un point d’honneur pour notre travail « honnêteté de jeu ».
SOS Clown travaille en pédiatrie au CSSS au Chicoutimi, dans 4 CHSLD (centre de soins de longue durée) au Saguenay et nous avons commencé un deuxième programme à l’URFI (centre de réadaptation à Jonquière) avec une clientèle très diversifiée. Un défi que nous adorons. Nous avons travaillé 4 ans aux soins de longue durée au CSSS de Chicoutimi, mais avec le transfert de ces départements, nous avons dû faire des choix difficiles.

Marc™ : L’approche des deux clientèles (personnes âgées et enfants) est-elle différente? Si oui, en quoi?

Lily : Complètement. Avec les enfants, naturellement ils s’attendent à ce que les Dr. Clown fassent leurs preuves. Veulent une « performance », veulent rire. Nous jouons beaucoup plus et faisons du  « slapstick » (l’art de se frapper sans trop se faire mal). Avec les personnes âgées, c’est beaucoup plus tendre, plus calme, plus dans l’écoute et la modestie. Nous attendons toujours que la personne nous parle d’elle avant que de tenter quoi que ce soit… Une relation doit s’installer, une confiance puis… Peu à peu, au fil des semaines, nous pouvons explorer d’autres avenues, orientées par la vie et les intérêts, puis la réalité physique et intellectuelle de la personne.
Nous accompagnons aussi des gens dans la mort alors bien sûr, notre dernier souci est de les faire rire… Nous souhaitons simplement avoir un moment privilégié avec cette personne. Nous avons souvent des confidences; des désirs avoués, des regrets, des peurs et de la colère. Si notre présence permet à une seule personne de mourir en se sentant respectée dans « l’être humain » qu’elle est et non pas le « malade » qu’elle est devenue et que, grâce à notre visite cette personne meurt moins en colère… Alors nous, nous savons pourquoi nous faisons ce travail si passionnant.
La difficulté avec les enfants c’est de savoir s’adapter aux différents groupes d’âge. Aux différentes situations dans une seule chambre… Ça demande une écoute du tonnerre et une acuité chirurgicale. Exemple: Un enfant reçoit un diagnostic de fibrose (6 mois) et un trouble alimentaire (16 ans) dans le lit d’à côté puis une urgence pulmonaire (5 ans) qui arrive avec les familles, médecins et infirmières qui viennent avec…. Faut jongler avec tout ça, ne pas trop énerver et savoir quitter. 🙂

Marc™ : Je comprends. On est loin du « divertissement » et beaucoup plus proche de l’intervention. Comment êtes-vous préparés à ça? J’imagine qu’on ne s’invente pas Dr.Clown?

Lily : Absolument.
Nous sommes, à la base, tous des comédiens professionnels, pour faire naître notre personnage, nous allons prendre la première formation à Montréal. Beaucoup de journées d’observation pour bien saisir le travail et toute la subtilité qui s’y rattache. Nous bonifions par la suite cette formation à d’autres, très diversifiées qu’il serait difficile de décrire. Autant sur le métier de comédiens que sur les pertes sensorielles, sur l’art de faire des interventions en ayant une qualité d’écoute et de pertinence (que nous avons fait venir d’Europe) ce sont des formations très rares et plutôt  «pointues ». Nous avons un métier de marge… Plus marge que ça, tu meurs…lol
Il a fallu tout créer d’un bout à l’autre… Nous sommes parties de loin Moira et moi. Fallait y croire pour embarquer autant de gens merveilleux dans un projet aussi excentrique!

Marc™ : J’ai pu apprécier votre travail et j’ai été sous le charme… mais en même temps, j’étais bouleversé; comment gérez-vous vos propres émotions par rapport aux relations que vous créez?

Lily : Tout d’abord l’organisme est très bien structuré. Il est doté d’un code de déontologie qui nous sert à être balisé. Les règles à suivre pour d’éventuels débordements. Nous avons un soutien psychologique dans l’organisme et nous nous rencontrons chaque mois avec ce psychologue pour échanger sur les différentes difficultés ou les belles constatations que nous faisons. Cela nous permet d’être orienté, soutenu et surtout de garder un équilibre émotif sur par rapport à la mort, le deuil en général, la maladie et toutes les étrangement, belles choses qui s’y rattachent.
Le nez nous permet une distance émotionnelle aussi. Comme nous avons des costumes plutôt sobres, c’est ce qui nous distingue, nous met une petite barrière et nous protège aussi. De plus nous avons un journal de bord interne qui nous permet d’évacuer le « trop-plein » et de nous questionner sur plein de choses concernant notre travail. Il est bien de mentionner aussi que nos clowns thérapeutiques ont choisi à partir d’audition artistique et psychologique. Nous avons donc une présélection qui nous oriente vers des gens qui sont là pour de bonnes raisons, qui ont le coeur pour le faire et qui sont rendues à un point dans leur vie où ils peuvent gérer ces situations.

Marc™ : Vous êtes combien de clowns à travailler pour SOS Clowns et peux-tu me les nommer?

Lily : Les cofondatrices, Dr. Go! (Moira) et Dr. Lily-Fleur Depeau. Puis en ordre d’arrivée : Dr. Chabidou Wa, Dr. Monde Entier, Dr. Q-Tips, Dr. Rubber et une petite nouvelle qui n’a pas été baptisée… Peut-être Dr. Linguini ou quelque chose de long… Dr. Douz’grains étant partie. Donc, 7 en fonctions.

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Voilà. Quand je vous solliciterai, la semaine prochaine,  pour cette levée de fonds pour aider l’organisme S.O.S Clown, vous en saurez un peu plus sur ces drôles de personnages qui en font partie. Sur ces drôles de clowns qui n’ont que leurs nez rouges pour les différencier des anges…

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