Vision 2025.

madmenVendredi, j’assistais au Forum Vision 2025, forum sur l’enjeu de la relance économique régionale du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Une activité organisée par le centre de recherche sur le développement territorial de l’UQAC. En fait, j’étais panelliste avec 5 autres intervenants à la table ronde sur « la mise en valeur du capital de créativité régional ». Bien que le forum fût un exercice très théorique, j’ai aimé l’expérience et apprécié échanger avec des gens de différents milieux sur le sujet fascinant qu’est la créativité. Voici le texte que j’avais préparé pour l’occasion…

Quand j’étais étudiant en design graphique à l’UQAM, mes professeurs venaient presque tous d’Europe. Ce qu’on m’enseignait était la façon de faire européenne en matière d’idéation : une façon de faire basée sur la créativité des idées et non sur leur faisabilité. Il y avait là une grande nuance. Alors que les autres universités préparaient des designers pratiquants, beaucoup plus bercés par des principes américains, l’UQAM, elle, forçait ses étudiants à se questionner, à trouver des idées nouvelles, sans se badrer des contraintes d’essayer de les réaliser. Libéré de cette emprise, naissaient des idées quelques fois farfelues, impossibles et parfois vertigineuses, mais rarement ennuyantes. Je suis avant tout un gars de pub. Un gars qui vous vend des trucs. Pas les siennes, celles de ses clients. Tous les jours, je me creuse la tête pour trouver une idée qui va me permettre de vous présenter mon client sous son meilleur jour. Tous les jours, je cherche une façon de démarquer mes clients par rapport à sa concurrence qu’elle soit locale ou nationale. Chaque jour, finalement, je suis imputable aux idées que je soumets à mes clients. C’est ma seule planche de salut. La créativité est mon leitmotiv. Mon Do It Or Die. C’est mon quotidien. Le dossier le plus difficile à réaliser est celui dont le budget n’a pas d’importance, dont les délais sont flous et les conséquences de retard absentes. L’ennemi de la créativité, c’est la liberté totale. De la contrainte naît la créativité. Et avouez que des contraintes, dans une région comme la nôtre, c’est assez facile à trouver. Il faut toujours faire plus avec moins. Il faut être en mesure de propulser nos forces et de combler nos faiblesses. Prenons par exemple le tourisme : pourquoi s’acharne-t’-on à jouer dans les mêmes plates-bandes que les autres régions. On n’arrête pas de nous dire que nos étés sont pourris, mais que notre hiver est époustouflant et que ça nous distingue, pour quoi ne pas faire de l’hiver, notre principale destination et laissez l’été aux autres. Pourquoi qu’à chaque fois qu’un entrepreneur nous épate avec un nouveau produit, on se précipite à faire la même chose pour être certain que le marché se dilue et devient obsolète. Pourquoi faut-il toujours que nos idées soient calquées sur des idées d’ailleurs. Pourquoi quand tout le monde zig, on ne zag pas? Il faut oser. Les gens qui réussissent à redéfinir leur profession, à sortir des sentiers battus, à créer des nouvelles façons de voir et de faire, le font souvent à contre courant des marchés, des demandes et des modes. Il faut cesser d’avoir peur d’être différent. Il faut cesser d’avoir peur des nouvelles idées. Il faut cesser d’avoir peur d’avoir peur. Vous me parlez de créativité, je vous parlerai de travail. Laissez-moi vous louanger les vertus de la sueur de bras. Laissez-moi surtout la chance de redonner au mot « labeur » ses lettres de noblesse. Parce que l’on a trop souvent dénigré, ces dernières années, les gens qui travaillent trop; vous comprendrez ici que le mot trop est entre guillemets. Parce que notre société de loisirs a décidé que la notion de travail ne devrait plus occuper la place qui lui revient. On a droit à une belle campagne qui nous dit qu’ici c’est possible, il faudrait en faire une aussi qui dit que travailler plus, c’est aussi possible et ça rapporte. Il faut valoriser les initiatives. Notre lourd passé syndical nous a fait rouler trop longtemps sur la voie de service; prenons notre place sur la grand-route et mettons-nous au travail. Félicitons les initiatives. Il faut se responsabiliser. J’adhère au principe de 1 % d’inspiration pour 99 % de transpiration. Des idées c’est assez facile à trouver, des bonnes, ça prend pas mal plus de temps. La région est-elle prête à mettre autant d’effort à s’en sortir? La région est-elle prête à prendre des risques? À se mettre à penser autrement? À se mettre à travailler plus fort? Rassurez-moi.

> Image générée par le site Mad Men Yourself – où il est possible de vous transformer en un personnage de ma série télé préférée.

7 commentaires

  • Quel beau texte et surtout…quel bel appel…
    De tous les blogues que tu as binairement collés sur ton site, celui-ci est l’un des plus intéressants.
    Le mouvement syndical a effectivement tué beaucoup de choses au Québec et sûrement l’instigateur du fameux diction «Le beurre et l’argent du beurre». La preuve, c’est que très souvent un employé syndiqué qui décide de travailler fort va se faire dire, subtilement ou non, de ralentir la cadence car il vole la job des autres…allant même jusqu’au grief.
    Je suis d’accord avec toi que des idées, c’est assez facile à trouver mais comme tu le dis si bien…il faut prendre des risques et c’est là qu’il y a un problème. On n’en prend plus de risque…les gens ont peur…il faut le dire. (Tu te rappelles la cage à homards de Gregory Charles? Dès qu’il y en a un qui essaie de sortir, les autres le ramènent vers le bas.)
    Pourquoi penses-tu qu’encore aujourd’hui, on est une légion de copycats qui achètent des émissions de télé américaines pour les rebrasser en français ici?
    Pourquoi penses-tu qu’un nombre incroyable d’artistes reprennent des succès des autres et qu’ils en vendent au container?
    Risque sonne bien avec courage…il faut avoir le courage d’entendre les chiens aboyer pendant que la caravane passe. (Ça me rappelle un reportage à Radio-Canada d’une jeune Québécoise expatriée en Californie pour démarrer son entreprise car elle n’était plus capable d’entendre la fameuse phrase, «Ooooooh! Mais ma pauvre fille, tu vois trop grand, on ne fait jamais ça ici».)
    Je te corrigerai sur un seul point…
    1% d’inspiration
    50% de transpiration
    49% d’innovation

    Travailler…c’est creuser et creuser, c’est découvrir, il faut donc valoriser le travail et la découverte.
    C’est beau d’avoir des idées, mais il faut que ces idées soient reconnues à travers le monde pour être uniques.

    La chose la plus copiée dans l’histoire de l’humanité c’est la signature…
    Donnons-nous en une!

  • @ martin
    Laisse-moi te retourner le compliment : ton commentaire est très charnu et vivifiant! Mon seul regret de ma prestation de vendredi dernier est de ne pas avoir usé… de créativité! J’ai lu ce manifeste nerveusement au lieu de me lancer sans parachute, j’ai fait le contraire de ce que je prêche. Comme quoi, il faut toujours se botter le cul sinon on ratatine en pas long.

  • Très d’accord avec le pourcentage d’innovation à insérer dans le texte « magnifiquement exprimé » lors de ce cercle au forum! C’était très intéressant en effet! 😉

  • Ah-hum… je fais justement une pause, là, au travail !
    Et mon job, à propos, c’est bien… d’créer du créatif, pur boeuf ! Proposer des modes relationnels nouveaux, lire différemment les problématiques sociales, investiguer le champ des possibles, en un mot : apprendre à oser oser ! Et oser oser en public, c’est savoir manager, emmener ses troupes, fédérer ! C’est d’abord prendre le risque de se tromper (leçon de vigilance !), mais c’est surtout s’offrir une évidence, un sens : ouvrir une voie, devenir soi ! Lâcher ses propres poches de résistance au vivre-mieux, les habitudes qui nous sclérosent mais qui sont si réconfortantes !
    « Abaissez le centre de gravité », dit le programme officiel ; « Libérez les initiatives », commande le Directeur… Mais dans leur forme, précisément, ces injonctions portent le germe du contraire de ce qu’elles croient promouvoir !

    On n’enjoint pas à être libre, à se renouveler, à créer ; en tant que patron, modèle conscient ou non, on impulse un état d’esprit, on insuffle une liberté d’échange, on instille un vent nouveau dans les comportements, mais… on le FAIT, et on le fait SENTIR : qui vit ce qu’il vend véhicule une envie !

    L’individu humain, si complexe en son fort, si riche d’unicité, fonctionne au ralenti quand il faut s’affranchir des conventions sociales, mon général ! Sur le plan collectif, un seul mot d’ordre : id-entité (comprendre : mimétisme-entité) ! Alors, pour faire de nos répétiteurs des créatifs haut-de-gamme ? Penser imitateur : porosité sociale = vecteur !
    Intime conviction, clin d’oeil un brin gastronomique mais si révélateur : la recette n’a jamais fait le cuisinier, cré nom d’un hamburger !

  • @ Jay
    Tout a fait d’accord avec l’ajout d’innovation. Les entreprises qui ne l’ont pas compris mourront tout simplement. Heu… comme tu étais présent, je vais prendre les guillemets comme un clin d’oeil… 😉

    @ Clef-re
    Décidément, ce billet vous a réveillé! Je remarque un point que j’ai négligé dans mon texte : la créativité se vit dans tous les métiers; il existe des comptables créatifs et des gestionnaires créatifs. Cela n’a rien à voir avec la notion d’artiste. La preuve est qu’il y a beaucoup d’artistes non créatifs. J’adhère au max avec votre idée de se jeter corps et âme dans l’arène, sans armure. Je pense que l’honnêteté est une des plus grandes vertus. La vieille rengaine du businessman qui ment comme il respire est dépassée; je suis encore impressionné de constater que c’est toujours présent… malheureusement.

  • On parle beaucoup d’entreprises, mais on peut aussi dire que certaines régions ou villes vont avoir de la difficulté à survivre si la créativité ou l’innovation disparaît ou ne naît pas tout simplement. Je pense que ça peut s’appliquer à toutes sortes d’organisations… Et étant donné le contexte actuel, on doit être prêt à saisir les opportunités qui sont là ou à nos portes.

  • Je suis d’accord avec Jay…
    De l’autre côté de cet émisphère, on construit des complexes hôteliers de luxe dans des déserts arides, où les conditions sociales, climatiques et en ressources humaines sont moins qu’idéales…et ici, la seule chose qu’on trouve à faire pour exploiter notre territoire riche en paysages, fruits, lacs, faune et couleurs…c’est une pourvoirie en bois rond…
    La journée où on prendra vraiment possession de ce territoire immense et qu’on injectera une sérieuse dose d’innovation…la planète aura le torticoli.

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