Perception vs realité.

rollingstoneAnecdote. Dimanche dernier je me présente chez Archambault pour me procurer le dernier Urbania. Je vous ai déjà raconté tout le bien que je pense de ce magazine montréalais : différent, d’une facture impeccable et d’un discours dosé de pertinence, d’impertinence et d’originalité à la pelle. Le numéro de ce mois-ci est un « Spécial Sexe », ça promet! J’arrive à la maison, me verse une coupe de vin, m’installe confortablement et plonge dans ma revue. En fait la revue plonge sur moi. Un problème au niveau de la reliure provoque une chute de toutes les pages; mon magazine ressemble à un dossier dont les pages éparses s’envolent. Fais chier. Je suis le genre de gars à triper papier. Je fais attention à mes livres, moins à mes magazines, mais préfère quand même le lire entier plutôt qu’en feuilles mobiles. Je me décide à retourner chez Archambault afin de me faire remplacer ma copie. Je me présente au comptoir-caisse et explique mon problème à la jeune caissière. Elle regarde mon Urbania (avec une femme presque nue sur la couverture – Spécial Sexe, oblige!) et le secoue pour, j’imagine, vérifier ce que je lui ai raconté. Comme chez moi, les pages tombent une à une du magazine, libérant celles-ci de son contenu, disons, très explicite… Des photos de seins avec des percings, des dessins de pénis, bref le contenu « Spécial Sexe » d’Urbania se retrouve sur le comptoir. Les regards de la caissière dans la vingtaine et de moi-même dans la mi-quarantaine se croisent. À ce moment-là, accoudé au comptoir, au milieu d’une foule venue chercher un cadeau de dernière minute pour la Fête des Mères (!), je me mets à penser que je suis en train de discuter avec une jeune fille, entouré de photos quasi pornos. La caissière me dit qu’elle ne peut remplacer mon magazine sans l’accord d’un superviseur. « Un superviseur est demandé au comptoir, code 11… » Fiou, ça aurait pu être code 69 ou code X. Le superviseur avec un « e » arrive. À peine plus âgée que la caissière. Elle examine le magazine. Me regarde. Elle aussi secoue les pages exposant le contenu érotico-cochon-provoc-charnel du magazine. Les regards des filles se croisent. Le mien préfère fureter sur la caisse à ma gauche, où une femme d’un certain âge, regarde les pages aux seins percés inonder le comptoir la bouche pincée. Finalement, on m’échange le magazine en me disant d’aller m’en cueillir un autre. Je quitte en remerciant mes deux Archambault Girls, sans toutefois pouvoir dissimuler le dessus de mes oreilles rouges. Je pense que la situation n’est pas nécessairement à mon avantage. Dans l’auto, je me fais mille et un scénarios. À quoi pensaient ces deux filles? Quelles étaient leurs perceptions par rapport à moi? Étais-je un vieux vicieux friand de pornographie? Quelle acrobatie avais-je faite avec ce magazine en main pour le démolir de la sorte? Quel culot je devais avoir pour me présenter devant ces deux jeunes femmes et exhiber mes déviations de la sorte? Bref, la perception que je me faisais de leur perception était assez négative. Pourquoi? Parce que c’est plus simple comme ça. Juger rapidement, cerner facilement est le réflexe que la plupart des gens vont avoir dans un premier temps. On a tendance, aussi, à imaginer ce que les autres pensent de nous de la même façon dont un jugerait, nous-mêmes, les gens. Les perceptions sont comme ça. En racontant cette anecdote à mon ami Black, celui-ci avait une tout autre façon de voir la chose. « Pourquoi cette caissière ne penserait-elle pas tout simplement que tu étais très « in » d’acheter Urbania, sans se soucier du contenu » me dit-il. « Elle pouvait même être sexuellement très ouverte et trouver tout à fait normal qu’on achète ce type de magazine, sans arrière-pensée…» Mmmm. Pour une même réalité, deux perceptions différentes. Pas facile de percer les gens, de savoir ce qu’ils pensent ou ressentent quand ils se retrouvent devant une situation quelconque. Les perceptions que l’on a des gens sont souvent à des kilomètres de la réalité. Alors que certains gestes posés nous sont intolérables, pour d’autres, ils sont anodins. Pour ces deux filles, j’étais à la fois un maniaque ou un gars « up to date ». Pile ou face. Ying ou Yang. Imaginez maintenant que vous ayez un message à passer : comment vous assurer que la perception que vous voulez que les gens aient en l’absorbant soit la vôtre. Difficile, non? La notion de perception vs réalité en est une molle. Difficile à prévoir et encore plus à changer. Les notions d’éducation, de culture, de langue, de tolérance sont quelques-unes des facettes qui font que vous ayez telle ou telle perception par rapport à une réalité unique. Comprendre et accepter qu’une perception puisse être différente de la nôtre est primordial pour déchiffrer la façon dont les gens appréhendent les situations et ainsi mieux leur communiquer la nôtre.

> Bel exemple de perception vs réalité. Une vielle publicité réussie de Fallon pour le magazine Rolling Stone, expliquant aux acheteurs médias que le lectorat du magazine était très différent de ce qu’ils pouvaient penser.

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6 commentaires

  • Très amusant comme billet! Faudrait quand même pas avoir peur de faire des paragraphes, par contre. 🙂

  • Vivent les non-paragraphes. L’écriture-au-long-cours, le traitdemarc qui fuse, le suc des mots qui drive. Let the vibe fly it right !

  • très intéressant! en effet, moi je me dis que chaque défaut est une qualité et chaque qualité est un défaut..tout dépend du point de vue et de la situation…

    C’est pour ca que je ne fais pas confiance aux extrémistes…ils manquent une si grande partie du tableau…même si moi même j’en manque une grosse partie!

    on peut pas tout savoir! 🙂

    en tout cas moi je te dis que tu es un champion de lire Urbania!

  • @ Maxime et Clef-re
    Question de goût, indiscutable 🙂

    @ Véro
    Tu as raison, et comme nous sommes des êtres complexes certains de nos défauts peuvent être perçus comme des qualités selon la perception des gens…
    – Les extrémistes, c’est toute une gang de fous!!!! Sans blague, je pense que l’équilibre fait foi de tout. Pour Urbania, la qualité du magazine est exceptionnelle, facile d’en être admirateur!

  • Parlant d’extrémisme: Aristote décrivait la vertue comme étant the mean between two extremes. Je pense que ça dit tout….

    Parlant d’Urbania: Je pense que vais aller l’acheter !!!!!

  • 10 juin 2009 at 15:30 //

    lachons aristote et les extremiste regardons nous dans notre fort interieure et sachons nous assume rien de mieux qu une bonne revue autant d’homme que de femme le font

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