Artiste, moi? Jamais! Vraiment? Ben, un peu… Quoique un peu plus… heuuu… beaucoup, finalement.

Étrange comme les choses changent dans une vie. Prenez par exemple l’image que j’ai de moi-même par rapport à ma profession. Quand j’ai débuté dans le métier, il y a une chose que je n’étais pas capable d’entendre à mon sujet : « haaa, vous êtes un artiste? », ou, « vous, les artistes… ». Je me débattais haut et fort. Je criais au monde entier que je n’étais pas un artiste! J’étais plus que ça. J’étais un communicateur. Un publicitaire. Un consultant. MAIS surtout pas un artiste. Parce que la notion d’artiste me semblait péjorative. Parce que, selon moi, un artiste n’en faisait qu’à sa tête, ne se basait que sur son pif, ne prenait aucune critique; bref, il manquait de professionnalisme. Pour moi, la différence était majeure entre un designer graphique et un artiste. Surtout vis-à-vis le client: l’artiste n’en avait pas : il avait des admirateurs ou des collectionneurs. Cela m’a pris presque 25 ans avant de réaliser que, finalement, je l’aime bien ce chapeau d’artiste dont l’on m’a coiffé. Que maintenant si un client me traite d’artiste, je trouve cela plutôt flatteur! Après des années de reniement me voilà serein devant l’évidence : ben oui, dans le fin fond, un graphiste c’est un artiste. Pas de la façon dont je le décrivais précédemment, mais plutôt comme un individu qui cherche à créer et briser les paradigmes qui nous entourent, qui cherche à réinventer; une personne dont la routine rend morose. Je pense que ce changement majeur de perception, par rapport à mon métier, vient en grande partie des observations que je fais des autres qui pratiquent le même métier que moi. Dans une certaine mesure, le métier de graphiste, designer graphique ou de communicateur a tellement changé depuis l’avènement des ordinateurs que la notion même du métier a changé. Auparavant, on était un dessinateur publicitaire. On devait avoir le talent de créer, de dessiner. Par la suite, il a fallu se mettre à conjuguer avec les nouvelles technologies. Qui dit technologie, dit production, dit série. Une certaine conformité s’est établie. On reconnaissait de plus en plus, dans le travail des graphistes, le logiciel qu’ils utilisaient afin de réaliser une production; on pouvait savoir la version du dit-logiciel par la façon d’utiliser certaines nouveautés rajoutées dans cette mouture. On dénote depuis quelques années un grand retour de l’illustration, des techniques manuelles, de créations se rapprochant plus des techniques mixtes de l’art que du graphisme par ordinateur. Peut-être parce que les « vrais » graphistes en ont marre d’être comparés aux spécialistes du copier-coller. Que les professionnels du métier veulent faire un pied de nez aux gens qui s’improvisent en leur disant : « OK, vous voulez jouer dans la cour des grands, suivez-nous! »; comme un skieur extrême qui amènerait un skieur du dimanche à une petite randonnée « free skiing » où la technique fait la différence. Un retour aux sources, quoi. Qu’on ne m’étiquette pas de traditionaliste : je ne me passerais plus jamais de mon mac même si j’aime bien encore griffoner et donner vie à une idée sur du papier. Finalement, il ne me manque que le chevalet, le béret et le foulard. Parce que moi, vous savez, je suis un artiste. Haa…? Et moi qui vous croyais graphiste… Vraiment? Ben, je le suis un peu… quoique un peu plus… heuuu… beaucoup, finalement. Comme les temps changent.

Le crayon à l’oeuvre: série d’auto-collants créé pour le fromage Tortillo. Fait entièrement à la main, oui oui, c’est pas beau ça?

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