À mon père.

Il y a un an tu t’es présenté devant une montagne plus haute que celles des Monts-Valin. Je n’étais pas trop inquiet; les montagnes, tu connaissais. En hiver, tu en avais tellement descendu avec tes amis. Des pentes de toutes les sortes : des poudreuses ou des glacées, des douces et des abruptes. Et dans ta vie aussi tu avais connu des descentes vertigineuses. Des versants si abrupts qu’on en perd le soleil. Tu avais même connu le vide. La perte de l’essentiel. La perte d’elle, ta fille. Même au plus bas de cette pente insurmontable, avec l’aide de ta compagne, tu avais su regagner, petit à petit, sans remonte-pente, le sommet de ta vie. Il y a un an, cette nouvelle montagne que tu devais affronter était plus maligne que toutes les autres. Elle ne te laisserait aucune chance. Même tes efforts surhumains, ceux de ma mère et de tes proches n’ont pu la vaincre. Il y a un mois, la nouvelle nous ensevelissait tous. Une avalanche nous emportait avec toi. Même nos larmes, la chaleur de nos coeurs ne pouvaient vaincre la neige qui te recouvrait. Même en creusant à nous casser les ongles, ton corps était le seul à fondre sous cette neige qui durcissait. Sous la neige, qui te dissimulait, on entendait ton coeur. Ce grand coeur. Ce coeur que savaient apprécier tes amis et craindre tes ennemis. Ce coeur qui savait battre le rythme. Ce coeur si vaillant. Maintenant que tu es plus haut que les montagnes, tu garderas un oeil sur nous. Il y a tellement à faire là-haut pour un gars comme toi. Tant de trucs à réparer. Tant de personnes à aider. Tu ne manqueras plus jamais de temps pour tout faire. Et quand tes proches auront une montagne à gravir, eux aussi, s’ils trouvent que la pente est plus douce que prévu, c’est que tu seras passé avant eux.

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