Le beau monde.

Une chaussée glacée.
Une auto qui dérape.
En tentant de l’éviter, elle dérape à son tour.
360 degrés. X 10.
Ice Capade.
Et bang.
Un impact.
La voiture à l’horizontale.
Toujours attachée dans celle-ci, écrasée au fond de son siège, elle tente de bouger malgré le mal de dos causé par l’impact.
Une voix l’interpelle.

– Tu es OK?

Vous pensez que ce sont les grands mouvements qui sauveront le monde? Les grandes remises en question. Les grands rassemblements. Les grandes causes.

Vous avez tout faux.

Ce sont des phrases comme « Tu es OK? »
Ce sont de simples gestes.
L’humanité.
L’aide.
L’autre.

Ce sont les individus, eux-mêmes, qui feront la différence.

C’est ma fille qui était dans l’auto qui a dérapé.
Quelque part entre l’Étape et Québec. Dans le Parc.
Lundi dernier.
Ma fille a fait un tête-à-queue et s’est retrouvée prisonnière de sa voiture, au beau milieu de la route. Au milieu de nulle part. Dans le froid. Toute seule.

Et puis une personne s’est arrêtée.
Et puis une autre.
À leur deux, ils ont réussi à la secourir.
À vérifier si elle était OK.
Ils ont réussi à la sortir de la voiture.
La réchauffer.
Appeler la police. L’ambulance.
M’appeler moi.
Tout en la rassurant.
La consolant.
Tout en me rassurant.

Deux étrangers.
Arrêtés malgré le froid et le danger.
Un gars et une fille qui ne se connaissaient pas qui, l’espace d’un instant, se sont improvisés duo de sauveteurs.

– Merci pour ce que vous avez fait.
– Pas de problème, monsieur et rappelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit.

J’ai raccroché.
En réalisant ne jamais avoir demandé le nom de mes bons samaritains.

Quand je suis arrivé à l’Hôpital Saint-François d’Assise à Québec, rejoindre ma fille, elle m’a tout raconté. Comment ces gens se sont occupés d’elle. L’ont rassurés. En attendant les secours.

On peut parler de fraternité.
D’égalité. De tolérance.
On peut tenir de grands discours.
Dire que l’autre est important.
Dire qu’on est ouvert.
Mais quand vient le temps de le prouver, qui se lève vraiment?
Qui met vraiment ses principes en action?
Qui passe de la parole aux actes?

À mon retour de Québec, ma fille m’a texté.
Par Facebook, la fille qui l’avait aidé a communiqué avec elle.
Pour lui demander si tout allait bien.
Pour lui dire qu’elle avait pensé à elle toute la journée.

Ça m’a ému.

Les gens sont capables d’humanité dans les gestes les plus simples.

Quand les plus pessimistes diront que le monde est rendu fou.
Que le monde est à pleurer.
Que le monde est laid.
Que la planète est en guerre.
Il y aura toujours des personnes qui les feront mentir.
Qui feront la différence.
Qui placeront l’Autre en priorité.
Qui diront que le monde est beau.
Comme ces deux personnes dont je ne connais pas le nom.
Mais dont je connais maintenant la grandeur d’âme.

Merci.

3 commentaires

  • 14 février 2017 at 10:12 //

    Un texte très éloquent Marc. Ça fait du bien d’apprendre qu’il y a encore des gens dévoués avec une grandeur d’âme incroyable et heureusement, ils sont encore nombreux de nos jours. J’espère que ta fille s’est bien remise de ses émotions et le papa aussi. Et pourquoi pas, bonne Saint-Valentin😍

  • 5 mai 2018 at 15:22 //

    Eh oui… Je pense qu’il y a beaucoup plus de (profondes et humbles) humaines raisons d’esperer (que ce qu’on pense) aussi !

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