Je le sais pas.

– Tu en penses quoi? On devrait ou pas?
– Je le sais pas…
– Tu veux dire…?
– Ben, que je le sais pas. Faut que je fouille un peu plus et que je me fasse une idée avant de te répondre…

Ouais. C’est ça. Je ne sais pas tout. Même dans mon domaine. Celui que je pratique depuis près de 25 ans.

Ça vous étonne? Pas moi.

Ce qui me surprend c’est le visage de mes clients quand je leur annonce mon incapacité à leur répondre.

– Ben non, je le sais pas…

Silence. Interrogation. Méfiance.

Dans le monde des affaires et de la consultation, l’assurance est de mise. Il faut être en mesure de répondre. Toujours. Si le client se questionne, tu dois, tel un soldat, être en mesure de tirer… des conclusions et rassurer le client. Aucune hésitation n’est permise. L’hésitation sera tout de suite perçue par un manque de compétences. Ce qui force certains consultants à diluer leurs connaissances afin de nourrir l’appétit de leurs clients. Quitte à en beurrer épais. Quitte à tourner les coins ronds. Même si c’est du toc, vaut mieux répondre n’importe quoi que d’affirmer qu’on n’a pas de réponse. Professionnalisme oblige (sic).

Il m’arrive de travailler des mandats en concert avec d’autres consultants. Quand il y a deux coqs dans une basse-cour pour une seule poule, ça peut brasser un peu. Comme je cherche rarement à avoir raison à tout prix alors j’admire la façon dont les autres tentent de tirer la couverte de leur bord en déclarant des trucs sans queue ni tête uniquement pour avoir l’attention du client pour lui. C’est encore plus pathétique de le voir s’enfoncer de plus en plus quand ils réalise sa bourde, incapable d’avouer son erreur, préférant s’enliser davantage dans ses fabulations. Et comme un mensonge est souvent creux…

Je ne suis pas le genre de consultant à affirmer que je connais une notion si je ne la maîtrise pas. Vous me verrez rarement patiner ou m’inventer une sortie quelconque quand on me demande mon avis sur un sujet dont je ne connais pas l’issue. J’avoue candidement que je ne le sais pas. Impossible de me prononcer. Que je doive vérifier. Si vous voulez un mensonge, vous n’êtes pas à la bonne enseigne. Désolé. Même chose pour un concept. Si en réunion de démarrage, vous me demandez de vous pondre tout de suite une création, vous serez déçu. La pensée magique n’existe pas. Labeur, labeur, labeur. Il faut essayer, douter, recommencer.

Alors la bullshit, très peu pour moi. Même si celle-ci peut paraitre payante à court terme — il ne faut pas se le cacher, on aime bien le style flamboyant et rassurant du consultant sans faille, j’ai la ferme prétention que mes hésitations et mes questionnements font de moi un meilleur consultant.

Un bon consultant bannit les mots « toujours » et « jamais » de son vocabulaire et explore toutes les nuances d’un discours. Un bon consultant refuse de se prononcer quand il n’a pas toutes les pièces du puzzle sous les yeux. Un bon consultant prend le temps de peser le pour et le contre en tentant de faire abstraction de ses paradigmes. Un bon consultant avoue candidement qu’il n’a pas la réponse instantanée. Un bon consultant avoue qu’il était dans le champ. Un bon consultant change d’avis.

Ne pas savoir force à chercher. À douter. À comprendre.

Étendre son savoir ne fait que le diluer.

Suis-je un bon consultant? Je n’en sais rien.

3 commentaires

  • 9 mai 2012 at 13:32 //

    J’aime beaucoup ta façon de voir ton travail de consultant. Je suis du même avis… même si je ne suis pas consultante moi-même!

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