Chroniques sénégalaises 05 – Le temps


Le temps s’est arrêté quelque part à 200 km de Dakar au Sénégal, dans un village nommé Thiaré.

Ici, le quotidien s’installe tranquillement. Nous nous transformons petit à petit. Notre rythme de vie rapide est de plus en plus derrière nous. Hier, j’ai passé presque 2 heures dans la salle d’attente de la clinique à ne rien dire. À simplement observer ces gens qui attendent qu’on les appelle pour nous rencontrer.

En silence. J’ai observé leurs gestes lents, leur sérénité. Tout ici respire la résilience. On ne combat pas le temps. On ne cherche pas à l’apprivoiser, encore moins de l’étirer; le temps dévient une matière immuable comme l’air que l’on respire. Un simple bonjour est une discussion interminable où on s’informe de nos familles mutuelles.

Un bonjour ne se limite pas à sept petites lettres anodines, mais à une notion beaucoup plus importante, celle de prendre le temps de marquer l’importance d’une rencontre.Deux heures, ça représente le temps qu’il faut pour filtrer les 120 litres d’eau que notre équipe ingurgite chaque jour. Pendant ces deux heures, l’eau passe dans le tuyau du sac de filtration comme le sable dans le sablier. Pourtant l’eau est l’antonyme du temps.

Autant le temps n’a pas d’importance, autant l’eau est indispensable à notre survie. Nous buvons nos gourdes à satiété, jusqu’à la dernière goutte, et ce, même si celle-ci est chaude. Cette eau propre est notre meilleure garantie contre la maladie. Il faut souvent être privé d’un truc banal pour en apprécier toute sa valeur. L’eau rime avec or.Si l’eau est le premier élément indispensable, la merde arrive deuxième. Très très près. Ne riez pas. Notre cœur nous a fait venir ici, mais ce sont nos intestins qui nous permettent de l’apprécier. Ça me rappelle un numéro d’humour de Roland Magdane dans lequel tous les organes humains se disputaient le rôle le plus important du corps. Le cerveau se vantant d’être l’organe suprême tandis que le cœur, celui qui nous permettait de vivre. À la fin, le trou de cul décidait de cesser de fonctionner provoquant un problème majeur au niveau du corps entier. Ici c’est pareil. Notre force et notre moral passent par la bonne marche de nos intestins. Tous nos malades le sont par le cul. Quand tu passes ta nuit à courir les toilettes, tu ne peux pas être alerte le lendemain. D’où l’importance de l’eau et de notre salubrité. Vous riez encore? Allez péter. Et profitez-en. Car ici, c’est un autre luxe dont on se prive.

En vrac
Sur la route de Kaolack, un panneau publicitaire du réseau cellulaire Orange titrait «Vous rêvez d’une meilleure vie?». Comme si un cellulaire avait les vertus pour changer le destin des gens. Comme si posséder un téléphone irriguait la faim et la pauvreté. Y’a des jours où mon métier de publicitaire me lève le cœur…

Le courriel à tué le courrier traditionnel. On ne s’écrit plus de lettres. On pense rapidement, nos missives arrivant à la seconde où elles quittent nos ordinateurs. Alors quand nous avons croisé un marchand de cartes postales, plusieurs de nous sommes tombés sous le charme de cet ancien dada. Comme sur Facebook, nos messages à nos proches sont lus par un paquet de gens; comme Twitter, nos écrits sont limités par un nombre de caractères, selon la grosseur de notre calligraphie, mais le simple fait de l’écrire à la main rend le geste à limite du romantisme.

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9 commentaires

  • Merci pour votre écriture et toute cette sensibilité. Nous avons l’impression d’être un peu avec vous et de mieux comprendre ce peuple tellement différent du nôtre.

    Quel plaisir de vous lire!!!

  • 10 janvier 2012 at 15:49 //

    La sémantique des expressions « Comment VAS-tu? » et « How do you DO » est historiquement une manière de s’intéresser à la santé de son interlocuteur en lui demandant s’il va bien à la selle dans problèmes…

  • 10 janvier 2012 at 21:12 //

    Bonsoir ma fille la plus belle de l,Afrique nous sommes avec toi et nous t,encourageons a continuer ton rêve bonne chance lâche pas nous t,aimons Paul et Ginette bisousxxxxxxxxx

  • 11 janvier 2012 at 14:21 //

    Bonjour à tous!

    Marc vraiment, je suis épaté. J’adore cette chronique pour son ensemble. Elle nous rapporte à la simplicité de la vie, à ce que nous avons réellement besoin. Quiconque à voyager le moindrement sera d’accord avec votre chronique.

    Pour faire une blague à Jocelyn, faite lui lire le paragraphe des cartes postales de ma part. =)

    Merci! Bravo à vous tous!

  • 11 janvier 2012 at 17:33 //

    Impressionnée!Marc, tes « matantes » Andrée et Lily m’avaient dit que tu avais une belle plume mais c’est bien +. Les mots choisis me font sentir (je ne parle pas des selles évidemment!)et me donnent l’impression de voyager un peu avec vous! Un pur délice de vous suivre via ces articles. Merci de nous permettre de découvrir un peu ce peuple et leur richesse. Merci de nous rappeller l’essentiel. Mais surtout, vous avez toute mon admiration et support moral. Mon coeur vous envoie une charge d’énergie Bravo groupe,vous êtes formidables! GO HABS GO! bisou à ma soeur Nancy xoxoxo

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