Chroniques Sénégalaises – Partie 5

Dimanche, 9 janvier – Il est 6 h 30 et je regagne mon lit pour écrire un peu. Il faut que je raconte à chaud ce que je viens de vivre pendant les dernières heures, je ne veux surtout rien oublier.
Mon histoire prend place en après-midi. Vous vous rappelez que mon nom est Modou Sow — on m’a attribué ce nom à mon arrivée — bien, je ne vous ai pas tout dit là-dessus. On nous a baptisés du nom d’un habitant du village pour que l’on fasse plus ample connaissance avec lui. Mon homonyme, le vrai Modou Sow est traducteur pour les infirmiers : il traduit du wolof au français en servant d’intermédiaire pour le patient. En cette deuxième journée de clinique, alors que j’étais assis sur un banc à l’extérieur du dispensaire pour changer une millième fois de lentille, il m’a abordé en me disant qu’il voulait me connaître davantage. Après avoir discuté de tout et de rien, il me lance qu’il aimerait bien que j’assiste à un match de lutte sénégalaise, ce soir au village. Wow. J’ai accepté volontiers. En parlant aux autres membres du groupe, tout le monde a décidé d’aller voir ce spectacle. Après le souper, vers 22 h on a suivi le son des djembés avec nos lampes frontales en place tentant bien que mal d’éviter les crottins dans la rue. Nous sommes arrivé au milieu d’une foule nombreuse qui dansaient au rythme des percussions. Dépaysement total, mais pas de lutteurs. On nous dit que la lutte débutait à 3 h du mat’. On a décidé de rebrousser chemin, déçu. Mais comme je suis du type à éviter de passer à côté de la vie, j’ai bravé Renaud et Jocelyn qu’on devrait se lever tôt pour retourner voir. Vers 4 h 30, lampe au front notre trio est parti. Arrivé sur les lieux, c’était hallucinant : plus de 1000 personnes assises et debout créant avec leur corps une arène humaine où des lutteurs s’exécutaient. Nous avions décidé d’être discrets en restant à l’arrière, sans caméra, tentant tant bien que mal de ne pas nous faire remarquer. Facile d’abord. Trois faces blêmes parmi une foule de noirs, on ne peut pas dire que c’était une job facile. Au bout d’une demi-heure, on s’est fait remarqué par un des animateurs; coup de chance, c’était l’homonyme de Jocleyn! Il nous traîne devant tout le monde, en nous faisant traverser l’arène pour s’assoir sur des chaises avec le président du comté, les marqueurs officiels et les arbitres. Nous sommes en pleine zone VIP.
La lutte sénégalaise, c’est du sérieux. Oubliez nos luttes acrobatiques qui sont plus près du théâtre que du sport. Ici, on parle de force et d’équilibre, d’un style plus près de la lutte gréco-romaine. Chacun des protagonistes agrippe d’une main la ceinture de l’autre, se penche en tentant de déstabiliser son opposant pour le renverser et lui faire mordre la poussière. Littéralement. Parce que du sable, en veux-tu en vl’a. C’est quasiment suffocant. Un nuage de poussière surplombe la scène, et comme si ce n’était pas assez, quand ça ne lutte pas, ça danse. Faisant lever le sable sur la foule. S’il ya un seul point commun avec notre lutte, c’est au niveau de l’attitude des lutteurs: provocants, il dansent pour narguer leurs adversaires, soulever la foule ou pour pousser leur adrénaline à son maximum. Et ils dansent très bien sur les rythmes tribaux des joueurs de djembés. On est très loin des lutteurs pathétiques bedonnants. On parle ici d’athlètes complets. Il fallait voir les muscles des cuisses et des bras se gonfler quand on tentait de soulever ou de résister à son adversaire. Impressionnant.
Au retour à la clinique, à la clarté, j’ai décidé d’y retourner, mais avec ma caméra cette fois. Quand j’y suis arrivé, la foule s’était dispersée, on se chamaillait, on hurlait, c’était l’anarchie… Comme sur Ste-Catherine, après un match éliminatoire du Canadien. La lutte s’est donc terminée sans vainqueur dans la disgrâce et le désordre le plus complet. Le bordel. C’est aussi beaucoup ça l’Afrique…

EN VRAC

Dormir sous un filet, c’est cool. Ça te fait une petite chambre bien à toi. Mais surtout, ça te protège contre les mouches et des maladies qu’elles peuvent transmettre. Mercredi prochain commence une grande campagne nationale de sensibilisation contre le paludisme; les maisons seront visitées et toutes les familles recevront des filets gratuitement. Bonne idée.

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Le délestage d’électricité est très présent au Sénégal. La demande étant plus forte que l’offre. Chaque jour, il y a des coupures, un peu partout au pays. On priorise les grandes villes comme Dakar lors des reprises et les plus petites villes par la suite. Imaginez une bourgade comme Thiaré. On a subi notre plus longue coupure aujourd’hui : presque 4 heures…

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Aujourd’hui Marie-Pier, Kevin, Stéphane, Malick et moi sommes partis marcher dans la savane. Ce que l’on croyait être une petite marche de santé, s’est transformé dans un périple de près de 15 kilomètres à travers 3 autres villages du comté. Disons qu’avec des Crocs, ce n’était pas ma meilleure idée…

6 commentaires

  • 10 janvier 2011 at 19:03 //

    Là je te reconnais. Ce j’aime en lisant cette chronique c’est que je l’aurais fais aussi. J’aurais tellement aimé ça être avec toi…

  • 10 janvier 2011 at 22:01 //

    Hé Marc, fidèle à ton goût de l’aventure, tu fonces d’une expérience à l’autre! tu me donnes le goût dalle en Afrique… un jour.

  • 11 janvier 2011 at 13:30 //

    Bonjour Marc, bravo pour ton aventure, ma femme a fait qqc de similaire il y a quelques années, au Togo, en tant qu’enseignante.

    Je sais que ce n’est pas vraiment le lieu pour ce genre de question, mais c’est uu peu urgent… peux-tu me donner le nom de l’imprimeur qui a fait nos cartes d’affaires, je dois en commander d’autres rapidement pour une conférence…

    Merci et désolé de parler « boulot » en pleine aventure.

  • Beau souvenir que je viens de relire. J’apprécie beaucoup tes textes, je te suis toujours. J’aime lire tes périples.

    Amicalement Jocelyn

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