Trouver sa voie.

Une chronique très intéressante de Pierre Foglia dans La Presse de samedi s’est promenée d’internaute en internaute toute la fin de semaine via Facebook et Twitter. Vous pouvez la lire en ligne, ici. Je vous la suggère d’ailleurs fortement. Je fais partie des nombreux admirateurs de Foglia;  que je sois d’accord avec lui ou non n’a pas d’importance, du moment qu’il me fait réagir. Sa chronique de samedi parlait du bonheur au travail, par le fait de trouver sa voie. Ça m’a donné l’idée de vous raconter comment j’ai trouvé la mienne et si le coeur vous en dit, j’aimerais bien que vous me racontiez comment vous avez trouvé la vôtre… ou pourquoi vous ne tentez pas de la trouver.
Au secondaire, j’étais un élève moyen. Les cours de Sciences m’emmerdaient. J’avais une facilité en Français, peu d’aptitude en sports, mais j’étais un petit gars allumé. Assez vif d’esprit, toujours prêt à foncer dans les activités parascolaires et les projets connexes. Je dessinais énormément à l’époque, je faisais de la bande dessinée et des caricatures, les marges de mes cahiers étaient ornées d’illustrations à défaut de notes spectaculaires. Tout petit, je rêvais de faire carrière dans la bande dessinée, mais déjà malgré mes 16 ans, je voyais déjà peu de chance de réaliser un tel rêve. À la fin du secondaire, alors que 80 % de mes confrères avaient choisi leur métier en se dirigeant au Cégep (20 % avocat/ 20 % comptable/ 20 % médecin/ 20 % ingénieur), j’avais non seulement aucune idée où je voulais aller, mais j’avais tellement procrastiné que les notes obtenues ne me laissaient que trop peu de choix de carrière. J’avais opté pour les Lettres au Cégep de Chicoutimi. Je devais être le seul finissant du Séminaire de Chicoutimi, une école privée reconnue pour son excellence, à avoir « choisi » cette orientation. La première session m’avait un peu secoué. Les cours étaient intéressants, certains profs aussi, mais la plupart des étudiants inscrits tuaient le temps. J’avais l’impression d’être dans un purgatoire ou une salle d’attente. Nous étions tous là à attendre un miracle qui ne venait pas. J’avais commencé à me pointer de moins en moins à mes cours, tout me semblait plus intéressant qu’eux. Je griffonnais des caricatures dans le journal étudiant, y pondais quelques articles, faisais du théâtre, participais à la radio étudiante; bref, rien pour améliorer mes chances de survie académique. Je réussis tout de même à passer à travers les sessions, sur les fesses vous vous en doutez bien, et j’étais encore pris devant un choix de carrière qui ne venait pas.
J’avais décidé d’aller étudier en Design graphique à l’Université du Québec à Montréal. Je n’avais aucune idée de ce que cela pouvait représenter. Je dessinais, oui, mais beaucoup moins bien que les autres inscrits. J’avais des notions d’imprimerie apprises dans des emplois d’été, mais les autres étudiants débarquaient d’une Technique en graphisme ou avec un diplôme en Arts, et ce, d’un peu partout à travers la province. Mais je m’y voyais dans ce métier. Ça m’allumait. Et là il s’est passé quelque chose. Pour la première fois de ma vie, j’avais l’impression que les cours que je complétais m’étaient utiles et que je performais. Que pour la première fois, il y avait au bout du tunnel une petite lumière indiquant que j’étais sur la bonne voie, la mienne du moins. Quand je descendais à la maison, à Chicoutimi, visiter mes parents, je voyais bien l’incrédulité dans le regard de mon père. Il se demandait bien ce que je ferais dans la vie. Graphiste? C’était plutôt difficile à expliquer comme métier (ça l’est encore, non? )… Je n’avais pas d’encouragement de sa part, mais ni le contraire par contre. Ma mère tempérait, comme elle l’a toujours fait, en lui expliquant du mieux qu’elle pouvait que je réussirais à faire quelque chose de ma vie. Mon père a été incrédule pendant bien des années, même après mes études. Et puis cette incrédulité s’est peu à peu transformée en fierté. Il ne maîtrisait toujours pas ce que je faisais dans la vie, mais savait que je la gagnais bien et que j’étais heureux. Comme lui l’avait toujours été au travail. N’était-ce pas tout simplement ce après quoi nous courrions tous, un peu de bonheur au travail?
Aujourd’hui, autour de moi, la plupart des gens que je connais n’ont pas suivi de ligne droite dans leur parcours de vie. La plupart ont tenté des trucs, réorienté leurs trajectoires pour arriver enfin à trouver le chemin qu’ils cherchaient. Les cheminements sont si particuliers et personnels à chacun qu’il est impossible d’en extraire une façon de faire unique. Aux parents, inquiets du cheminement de leurs enfants, je dirais de les laisser choisir. De leur laisser le temps. De ne surtout pas leur imposer nos rêves, mais de les aider à réaliser les leurs. Je me souviens d’une belle publicité télé, diffusée il y a quelques années, sur les métiers professionnels : un jeune racontait à ses parents qu’il voulait devenir soudeur, et ceux-ci transformant leur déception qu’il ne choisisse pas un métier « plus gamour » lui disait : tu seras le meilleur soudeur que le monde a connu… Les métiers ne sont pas obligatoirement transférables de père en fils ou de mère en fille, mais la passion, si. La passion permet de racrocher les décrocheurs. La passion, c’est tout ce qui compte. Le reste suivra.

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4 commentaires

  • 2 choses…

    1- Si on essaie de marcher en ligne droite dans la forêt, on va se cogner le nez à un arbre…

    2- Sois un pape ou sois un voleur…mais sois le meilleur…

  • En fait…une 3e chose…

    Le système d’éducation occidental présume que lorsqu’on a 17 ans, on doit être obligatoirement en 5e secondaire…ce qui, pour ma part, ne fonctionne pas.
    La «digestion intellectuelle» n’est pas la même pour tous et de surcroît, différente de culture en culture. On présume qu’un enfant qui a de la difficulté en 2e secondaire ne pourra atteindre les sphères de l’enseignement supérieur…et vice-versa. Pourtant, j’ai un ancien confrère de classe à qui on ne prédisait aucun avenir reluisant…mais qui est chirurgien aujourd’hui.
    Ça prend une bougie d’allumage…que le contact se fasse en 2e secondaire…ou à l’université.
    Ton texte sur Alain D. pourrait bien s’insérer ici…;)

  • J’ai l’impression de revivre un de nos excellents dîners! Un de nos sujets de prédilection, l’éducation, hein Martin? Je ne pense pas que c’est en facilitant la tâche aux étudiants (entre autres par une réforme débile) que l’on réussit à donner le goût d’apprendre. Je pense que tout part des parents à la maison. Pas en dorlotant, mais en donnant l’exemple. Quand tu entres dans une maison sans livre où la télé est constamment branchée sur des émissions insipides de télé-réalité, on a un problème. Je ne dis pas qu’il faut lire Proust tous les soirs avant de se coucher, mais uniquement que le cerveau est un muscle qu’il faut entraîner au lieu d’abrutir. Être curieux, tenter de comprendre tente d’expliquer, se tromper, argumenter, découvrir c’est pas mal plus édifiant que de se faire imposer des idées de masse…

  • Exactement…
    Et ce qui est souvent malheureux, mon cher Marc, c’est que les gens qui ne comprennent pas que l’éducation commence à la maison, et non à l’école, sont les mêmes qui vont prendre tous les soins nécessaires, de manière quasi compulsive, lorsqu’ils font pousser un jardin. Pourtant, c’est la même chose…

    If you want to get laid, go to college. If you want an education, go to the library.
    Frank Zappa

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